lundi 8 décembre 2014

Aristot ou l'âme Catalane

Sur fond de visite d' Aristot, je vais vous parler d'âme.
Si Aristot ne compte qu'une dizaine d'âmes, celle que j'y ai rencontrée n'est pas la onzième; c'est autre chose, plus vaste, plus subtil, plus profond: l'âme Catalane.


Aristot

J'ai aimé l'Espagne dès mes premiers voyages découverte, soit tout de suite après la mort
 du Général dictateur Franco, en 1975. Fascinée par l' Espagne, de l' Andalousie
 à la Cantabrique, de l' Extrémadure à la Galice, en passant par Castille, La Mancha 
et autres provinces.
Que reprochais je alors à la Catalogne qui échappait à cette entité, à cette identité?
 Rien, certes, rien que à mon goût,il manquait quelque chose.
La Catalogne en fait était trop proche de chez moi. Familière par sa proximité, familière 
dans ses lieux de proximité, sans grande personnalité sur mes trajets. Qu'étaient ils mes trajets 
d'alors? La frontière/ Barcelone/ Tarragone/ Lérida, par l'autoroute.
Esprit de jeunesse, comme il peut être sclérosé...
Je suis Catalane, mais Catalane « d'ici » et eux sont Catalans de « là bas ».
Une langue qui a des similitudes mais qui n'est pas la même (le Roussillonnais chez moi), des idées politiques très dissemblables (Catalanité et désir d'indépendance là bas), je dirais à mon humble échelle que la catalogne espagnole est un pays dans le pays, avec sa langue, ses aspirations et son identité culturelle très marquées.
Bien des années plus tard-donc récemment- je commençai par le biais de la montagne à aller à la rencontre de la Catalogne. Qui dit montagnes dit vallées profondes, villages isolés, ruralité et  habitants authentiques.
Je suis entrée sur la pointe des pieds dans ce pays étranger et étrange, je m'y sens aujourd'hui chez moi.
Je parle la langue, le Catalan de « là bas » avec ses mots, ses expressions, ses intonations.
Je suis fière lorsqu'on me demande comment je « parle aussi bien », fière quand on me demande si je suis issue de l'émigration ou de la Retirada (l'exode pendant la Guerre Civile (1936/1939).
Je ne me sens pas « une appartenance », je me sens acceptée.
Je commence surtout à « les » comprendre.

Quand j'arrive à Aristot (le T final se prononce),en ce soir grisâtre de fin novembre, je ne sais pas qu'un petit supplément d'âme me sera donné.





J'ai rencontré Aristot de loin, sans savoir que c'était lui,  un jour d'été où je me rendais au pied de la Sierra . Un village perché dans la pente ardue d'une montagne, serré autour de son église, comme pelotonné par manque de place et il n'en fallait pas plus pour être séduite : « un jour j'irai » me suis je dit. Ce ne sont jamais chez moi des paroles en l'air.



1er juin 2014

J'ai rapidement trouvé l'embranchement des 6 km de route sinueuse qui mène au village perché face à la sierra. Dans un chatoiement de couleurs de feu. Le village est inaccessible semble t'il pour mon camion et la petite route continue à grimper jusqu'au parking situé sur les hauteurs. Un parking doté d'une fontaine couverte, le village est en contrebas. Mon premier soin est d'aller à sa rencontre.
Je suis sur l'emplacement du château où un belvédère domine vallée et monts.

Comme c'est étrange...L'histoire de ce château débute au Moyen Age et finit pendant les Campagnes Révolutionnaires de France(1794), Batailles sur le front des Pyrénées, étroitement liées à l'Histoire de mon village. D'ailleurs je suis co auteur d'un Sentier Historique de ces campagnes sur mon village. Et voilà que le château d' Aristot servit de point défensif contre les armées françaises. Et mon village fut le théâtre sanglant de combats contre les Espagnols; certes c'est une autre histoire .
 Mais Aristot en est -aussi- un des sites...
Face à "ma " Sierra.

En dessous, s'étage le village: de village il a le  nom, les maisons, l'église, une ou deux rues et une place. Pour le reste, c'est surprenant.
Je m'empresse de le parcourir ce qui est vite fait. Très pentu, ses maisons à étage ont une façade à 3 ou 4 niveaux, « la rue » du dessus étant au niveau...du toit. Facile pour ce résident de refaire son toit ! Son échafaudage est minimaliste.



Réfection du toit par la rue du dessus

Sans oublier le drapeau
Une "rue"...classique



XIII ème siècle

Face à la Sierra

Aristot me captive par son site, son architecture, sa vie quasi oubliée.
Je rencontre le monsieur qui refait son toit : il loge son tracteur et sa remorque dans la ruelle, avec dextérité.
Je rencontre les animaux du village, trois chiens et une douzaine de chats, sauvages mais ayant un bon hôtel restaurant en apparence. Dans ces villages les chats ne sont jamais abandonnés à la rue : des granges, des fenils, des cuisines leur sont ouverts.


Non Aristot n'est pas que cela.


Je rencontre, dans la nuit noire, en allant marcher dans le village, ce supplément d'âme qui me fait comprendre les Catalans.
Aucun de ces villages ne meurt même s'il est vidé de ses habitants; qu'il en reste 4, 8 ou 10, le village se rebâtit, se rénove, reprend vie même pour quelques jours ou quelques heures.
Le Catalan est attaché à son sol, à sa terre, à sa pierre comme nul autre; où qu'il soit il revient toujours et fait vivre, cultive, régénère ses racines.
C'est un peuple qui ne renie pas ses sources.



C'est à Aristot que cela me saute au visage comme une bouffée de cet air froid de la nuit alors que j'arpente les ruelles sentiers, les ruelles escaliers , que je marche au dessus des toits et qu'une voix issue de la nuit noire me crie "Qui va là ?". La voix de cet octogénaire qui attend sa soeur, assis sur une pierre, la canne entre ses mains noueuses et qui me raconte sa vie de berger lorsqu'il allait voir si le vêlage s'était bien passé à des heures de marche, dans les montagnes.Chemin faisant dans les noires nuits...


Toits vermoulus
Ruelle de pierre

Ruelle sentier

De bonnes jambes
pour marcher dans les rues!

Faut être mince!
















































Aristot : je crois que je ne me fusse point arrachée de son site, après une nuit de pluie, même en ne voyant pas la Sierra avalée par les nuages.

Fermes disséminées

Village en face.



Nuages qui avalent tout sur leur passage en ce matin maussade et pourtant coloré.
Toutes les pentes autour d' Aristot, véritables bois de chêne, parlent à qui sait les regarder, du temps où le village vivait pleinement sa vie rurale. Des murettes jusqu'au sommet des pentes ardues, des cultures à jamais enfuies. Qui s'en souvient encore ?



Je quitte Aristot dans un matin cireux : il pleut à gros bouillons.



Quelques autres villages  face à la Sierra (clic) sont sur mon autre blog


4 commentaires:

  1. C'est de ce village dont tu me parlais l'autre jour ? Je pense que oui.
    C'est une merveille, c'est vrai tu avais raison, il ne peut que me plaire.
    Il ressemble tellement à mes petit villages de ma frontière.
    Et puis tu parles si bien de ton "pays".
    Merci pàur la balade Lison. C'est un enchantement.
    Bises et belle soirée

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    1. Tiens ma réponse dans l'autre blog va dans ce sens...Bisous Mireille, on se comprend !

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  2. Comme ce village a du charme, Lison, comme il est joli ! Je ne suis pas du tout étonnée que tu l'aimes. Oui, c'est un enchantement. Encore un très beau billet, plein d'amour et de vie, comme tu sais si bien les faire. Merci beaucoup Lison. Gros bisous.

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    1. Merci Françoise d'avoir partagé le temps d'une lecture un joli moment de ma vie. Bisous

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