lundi 26 août 2013

Une scène de la vie espagnole.

Il est onze heures du matin dans un village qui s’étale au soleil, juste à l’entrée de la Vall Fosca, une étroite vallée ; c’est dire si le village prend ses aises !

Il est onze heures et l’ Espagne vit.


Presque un patio



Elle vit dans la rue, au son des conversations animées, des rires et des anecdotes.


On emprunte les chaises une à une au café d’en face et on tient salon entre hommes et femmes sur le trottoir d’en face, dans la rue plutôt : la rue est étroite et les voitures absentes.
Modernité oblige, l’ Espagne s’exclame devant les écrans photo des téléphones portables.
Et une chaise de plus s’envole au dessus de la rue.

Ils ne sont pas tous arrivés
Personne ne consomme : l’un tapote son clavier, l’autre lit son journal. Un autre encore  fait escale entre l’épicerie et sa maison. Il ne s’attardera guère, sinon…à la maison…mais la halte, même fugace, s’impose !
Un dernier, nanti d’un chapeau et d’un grand bâton de montagnard, plus grand que lui, tient dans sa main libre un savant échafaudage de tomates surmontées d’une courgette sur lesquelles tout le monde s’extasie. Puis il plonge avec cet appareillage dans l’antre animé et bruyant du café.

Dehors ça cause, ça rit, ça commente, ça vit, tout simplement. Haut et fort. Avec la gestuelle qui va avec. On pourrait parfois croire en une dispute mais il n’en est rien !

Il y a la voix grave des femmes endimanchées, coiffées, bouclées, parfumées un peu violemment. Elles arborent des talons, des couleurs un peu criardes : jaune, mauve, kaki, en un savant désordre un peu printanier . elles ne s’assoient pas, contrairement aux hommes ; elles sont de passage, en partance vers des tâches ménagères ; c’est juste une pause dans le quotidien besogneux de la maîtresse de maison ordinaire. Et puis, peuvent-elles se permettre de donner l’impression de n’avoir rien à faire ? Ou pas grand chose ? Un samedi matin de grand soleil ? Les femmes ne sont pas en reste dans cette cacophonie endiablée ! Je ne saisis pas tout de la conversation en ce catalan débridé de journée d’été. L’été est si court en montagne…
Un chat famélique traîne, va de l’un à l’autre et essuie une caresse distraite.
Puis les femmes se dispersent, une à une, comme à regret.
D’autres arriveront, moins nombreuses, resteront debout un instant, tiraillées entre la vie bruyante et l’intérieur silencieux de leur maison désertée.
D’autres chaises, sans doute, traverseront la rue dans un furtif envol ; le garçon de café ne dira rien, et plus tard, peut être restera sur le trottoir une chaise esseulée comme à mon arrivée…

mardi 13 août 2013

Solitude....solitudes...


(Ce texte est vieux de 2 ans et demi, mais aujourd'hui, je me sens très bien dans ma solitude, elle ne me tourmente plus et même mieux, quand je suis "en société", j'ai hâte de la retrouver. Au fond de moi, je suis une grande solitaire, cela remonte à mon enfance où j'étais une petite fille très solitaire).
J'ai écrit ce texte en marchant dans les montagnes enneigées un jour que je grimpais au lac d' Espingo, aux confins de la Haute Garonne; j'écris souvent en marchant, j'écris "dans ma tête" et j'essaie de retranscrire le plus fidèlement possible plus tard.


J’ai été précipitée dans la solitude au moment où je m’y attendais le moins.
Je me suis précipitée dans cette solitude avec un appétit féroce de tout : de vie, d’expériences, de liberté, de vacances, de fête. Parce que solitude rimait avec liberté.

Aujourd’hui, presque cinq ans après, la solitude est enfin devenue un choix raisonné, un art de vivre puis-je dire .

La solitude, c’est une plénitude, une sérénité, un bonheur. C’est une offrande du ciel, un cadeau de la vie. La solitude, ce n’est pas inné, c’est un acquis, parce qu’on la construit, on l’édifie, on la crée. C’est une création. Comme toute création, elle naît dans la douleur, dans la souffrance –et dans la joie- et s’édifie dans les difficultés, les hésitations et l’enthousiasme.


C’est LA solitude et elle est belle.
Ce sont les solitudes qui l ‘enfantent.
Les solitudes…des animaux non domestiqués, des bêtes non apprivoisées, des fauves non domptés.
Agressives, violentes, imprévisibles, elles surgissent de tout, de rien et de nulle part, et s’en vont comme un ouragan, en laissant la dévastation sur leur passage. Elles ne sont que souffrance, que plaies, que douleurs. Elles mordent, elles griffent, elles lacèrent, elles écorchent.  Elles laissent abasourdi, anéanti, épuisé. Avec le sentiment qu’on n’ira pas plus bas. Alors on donne un grand coup de pied au fond et on remonte.

Certains n’en reviennent jamais…


Ce sont d’elles qu’il faut se méfier, les soirs ordinaires, les soirs de pleine lune, les soirs d’ennui, les soirs de fête, les soirs d’angoisse ou de chagrin. Les soirs….Le meilleur aliment des solitudes. Je ne les ai pas domptés, ces soirs de solitudes ; ils sont plus rares, plus espacés, moins violents, moins douloureux.  Mais ils sont ; il y a longtemps que je ne les ai pas vus ; mais ils sont ! ils sont tapis. Jus qu’à où ? Jusqu’à quand ?
On ne les apprivoise pas, on apprend à composer avec ; on ne les voit pas arriver ; et puis ils s’en vont. Quand ils sont là, on est prisonnier d’eux : on ne peut pas, ou on ne veut pas, ou on ne sait pas aller vers autrui. Alors que c’est là qu’on a le plus besoin d’aide. Mais qui le voit, qui le sait, qui l’entend ? Oui, c’est cela ; on a envie que cela ne se voit pas, que cela ne se sache pas. Mais on a tellement envie que quelqu’un entende notre cri dans le silence. Abasourdi de douleur, on se demande comment personne, personne, n’est capable d’entendre… Tous ces soirs de solitudes ne sont pas de la même force, de la même violence, de la même texture ; ils sont véritable panoplie.

Ces solitudes sont le long chemin de souffrance avant d’être heureux…dans la solitude.


                                                            Janvier 2011