dimanche 30 août 2020

Nuit d'Angoisse

Préambule
Voici une crise d'angoisse écrite sur le vif avant de "faire" un sommet prévu dans les heures suivantes, un sommet difficile, Le Bésiberri Nord, 3009 m et attendu pendant des années.
Et pour mieux garder le souvenir de cette ascension, cette angoisse qui la précéda a sa juste valeur.
Jeudi 25 août 2020, j'ai roulé 402 km pour arriver là, sur ce parking de Conangles , au débouché du long tunnel de Vielha, val d'Aran.
Demain c'est le sommet de ma vie, enfin le rêve d'un sommet.. 3009 m mais pas le plus facile.
Demain à 4 h du matin j'ai rendez vous avec Didier

Sur des photos du Val d'Aran et Haute Garonne
                                   ----------------------------------------------
Minuit 08 : je me réveille, j'ai dormi près de 3 h et je me réveille sans fatigue parce que l'adrénaline commence à monter. J'ai le temps, le réveil ne sonnera qu'à 3 h.
Je me rendors bercée par le chant de l'eau.
Parking de Conangles

 1 h 30 : second réveil, cette fois pas moyen de me rendormir.
L'angoisse commence à sourdre, à monter, elle fait une drôle de cacophonie dans la nuit, en disharmonie totale avec la chanson paisible de la rivière qui continue sa course comme le sablier du temps, avec sa chanson berceuse. L'angoisse fait bourdonner mes tempes et cogner mon coeur. J'essaie de la calmer, de la raisonner mais elle monte, elle monte...J'écoute l'eau, je regarde le ciel immensément étoilé dans le morceau que la montagne veut bien lui octroyer au dessus de mon lit. Rien à faire...j'écoute, je respire...

La Garonne . A Vielha
Fin de journée






















Les questions se bousculent, les réponses fusent.
- Et si je n'y arrive pas ?
- Eh bien je redescendrai !
- Et si j'ai peur ?
- Il n'y a aucun challenge, aucune obligation de résultat
- Et si.., Et si ?...
Chaque réponse amène une question, chaque question a sa réponse.
Je tourne et retourne dans mon lit, bois une infusion sucrée..Rien!


La nuit : infusion de thym
Le jour...pause détente à Vielha
Les étoiles scintillent, accrochées aux branches des sapins, comme des guirlandes de Noël, cela me ravit d'habitude...Rien !
L'une d'entre elles, la plus grosse essaie de se frayer un passage tout là haut.
J'essaie de lutter contre l'angoisse. Tous les sujets que j'évoque m'y renvoient.
D'autres questions  se posent : Est ce cela la montagne ? La peur qui fait reculer l'envie, l'angoisse qui écrase le plaisir?
Est ce cela que je suis venue chercher à 400 km de chez moi, à 70 ans, ce que j'attends depuis 2014? Depuis 6 années ? 7 étés ?

1 des 400 km : Haute Garonne

Est ce pour cela que depuis 2014 je m'offre des challenges, des couloirs, des arêtes, que j'ai fait trois séances d'escalade , que je m'adonne à la varappe, à la descente en corde ?
Est ce pour arriver si près du but et sombrer dans une crise d'angoisse ?
Il faut que je bouge ! Mais où bouger à 2 h du matin ? J'ai presque envie d'avancer le chemin !!

Une des cascades du Besiberri 


2 h 41...j'ai bougé...me suis assise sur mon lit et calmement, méthodiquement, me suis préparée. Toilette, café, protection de la peau, maquillage minutieux, comme si j'allais en soirée ou au bal. Le bal, il va être là haut  sur les murailles. La soirée j'y suis, la fête sera bientôt.
J'ai rendez vous avec le Bésiberri !!
Je suis fin prête, mon lit au carré, je tamise la lumière et écris. Il y a du temps devant moi. Didier arrivera à 3 h 47, il me l'a dit ...et pas en train...c'est son défi à lui ! Un horaire digne de la SNCF

2 h 59 :le réveil n'aurait pas encore sonné, je devrais dormir à poings fermés, ou bien, mue par un 6 eme sens bondir comme un ressort avant qu'il ne sonne.  Comme si le corps refusait cette agression de la sonnerie.
Et je devrais entamer tout ce que je viens de narrer. L'angoisse aurait le temps d'arriver...ou pas!
J'éteins le réveil, je quitte l'écriture et vais m'adonner à la lecture : écrire sur l'angoisse est encore la cultiver...
                                                                                                      Parking de Conangles,                                                                                                                              mercredi 26 août, 
                                                                                                       3 h 00 du matin

3 h 50, Didier arrive, en retard de trois minutes sur son horaire SNCF  mais il a fait de si belles rencontres sur sa route de nuit : des cerfs énormes avec des bois "comme ça !!" et des biches avec leurs bébés, et même l'autoroute déserte ne leur fait pas peur.

Tunnel de Vielha, Val D'aran 5320 m
Le parking est juste à côté
Ph prise au départ

4 h 10 : on démarre à la frontale pour le Bésibrri Nord (récit ici en un clic)

Au sommet 3009 m


Epilogue : pas une fois je n'aurai ressenti l'angoisse, ni même la peur...Ah cela en valait bien la peine...mais cela fait partie du charme de la montagne !