samedi 29 avril 2023

Le quignon voyageur

 Un très cher ami s'offusqua récemment de me voir, en montagne, sortir de ma besace un quignon de pain accompagnant mon frugal repas. Un quignon ! Pensez donc...

Telle la Madeleine de Proust ce quignon lui rappela je ne sais quel épisode exhumé de l'enfance sauf qu'au lieu d'avoir les délices de la Madeleine, cette exhumation se vêtait de relents acides, voire dégoûtants venus de souvenirs affligés de l'enfance.

Alors s'ensuivit un dialogue de sourds, lui, voulant à tout prix me faire manger de la baguette toute fraîche et neuve, et moi, mon quignon tout aussi savoureux de pain noir. Je sauvai de justesse mon quignon de la noyade dans la rivière toute proche, l'enfouis dans ma besace pour un usage ultérieur et sacrifiai au rituel de la baguette fraîche, laquelle, rompue avec les doigts ne ressemblait à rien d'autre qu'à un quignon...oui mais c'était son quignon dont tout le reste s'épanouissait en baguette amputée dans le coffre de la voiture !

Nous en restâmes là mais le quignon revint fréquemment dans nos conversations et j'entendis avec stupéfaction cette phrase superbe : "si encore cela avait été une tranche". Ah...rompre le pain en mode quignon est plus .....ou moins..., enfin pire !  que trancher le pain au couteau ? 

Je suis paysanne de coeur, de corps et d'esprit, j'eusse pu être bergère de la même manière et que je sache, le quignon était indissociable de leur besace.

Le quignon a pour moi le goût du savoureux "lothentique" de Pagnol !

Bon nous n'allons pas ergoter. Le quignon s'accompagne en général d'une charcuterie, d'un morceau de fromage comme il s'accompagna longtemps de thon à la tomate : en montagne je me nourris, je ne fais pas de la gastronomie. Pas de vin en montagne;  par contre, au bivouac, le quignon ne saurait se passer de ce breuvage régénérant qui fête avec le pain de nobles épousailles.

Parfois c'est vrai quelques tranches peuvent donner à mon menu un air de fête, c'est le cas si je fête Noël dans mon fourgon, le vin s'habille alors de bulles, toujours dans le cadre de leurs épousailles on ne peut unir une robe des villes et une robe des champs.

Alors en quelques images, voici l'histoire des quignons voyageurs sans qui ma vie ne serait plus ma vie et moi...je ne serais plus moi…Et pourquoi pas ? le pain ne serait plus le pain !

Et nos rires autour de ce quignon ne sont pas prêts à s'éteindre car si des raisins purent devenir de la colère, le quignon lui participe à nos fous rires : d'où mon clin d'oeil moqueur.


Quignon au sommet du Canigou




Quignon au sommet du Pic de Camporeils

Quignon contemplant l' Etang Faury (Secteur Lanoux)



Quignon aux sports d'hiver !

Quignon aux abris dans un mini orri style congélateur d'altitude (Gallinas)

Quignon aux abris en hiver à La Vignole



Et quignon au soleil après une virée au Cambre d' Ase en neige




Quignon au bivouac, Ariège



A chacune son quignon

Ce n'est pas fin prêt !

Quignon en pays de Sault (Ste Colombe sur Guette)



Le quignon ne fait pas bon ménage avec l'eau fut elle sémillante



L'eau du ciel suffit au quignon. Ariège

Tiens v'la du boudin ! 
Et pas de quignon ? Bien sûr que non, des tranches :  on est au Refuge du Rulhe, Ariège


C'est Noël, le quignon s'est fait trancher !




On change l'eau en vin

et le soleil en nectar







Allez mon grand, je te promets une grande surprise à la prochaine sortie. On va rire . Jusqu'à l'ivresse...



A celui qui se reconnaîtra ..: Tu ne "rousegues" pas de quignon mais "ets un mal quignol !"


samedi 22 avril 2023

La petite exploratrice.

 Il était une petite fille qui naquit juste au milieu du siècle dernier. Un soir de septembre naissait une enfant qui devait déjà rêver d'explorer le monde. 


1951 : 9 mois et11 mois
Conduire...déjà

Et qui 73 ans plus tard nourrit encore ces rêves-là. La Nature humaine est la plus étrange nature qui soit.


2016 : 66 ans

2023 : 73 ans ...presque


 A cinq ans, elle débuta l'exploration. La cour de la petite école du village ne lui suffisait déjà plus; peut être était ce grâce à sa mère qui la charriait sur son dos dans les sentiers de montagne, au long de la rivière pour aller sarcler les pommes de terre ou biner le jardin au fond de la petite vallée? Trop à l'étroit dans la cour de terre battue, elle escaladait le gros platane et passait les récréations à observer le monde vu du ciel. Ou alors elle allait se cacher au fond du poulailler et observait la cour derrière le grillage, le monde étant dans le poulailler où tous les rêves étaient permis, puisque la maîtresse la laissait rêver tout son saoul. Et les prisonniers derrière le grillage, prisonniers d'une cour trop étroite, où ils agitaient leurs jeux d'enfants bruyants.

Adolescente, elle parcourait le monde, horizontal puisque sur son vélo elle explorait les kilomètres, mais vertical aussi : elle grimpait sur les toits et escaladait les grands cèdres du parc du  proche château. Elle s'offrait des escalades vertigineuses, les pylônes électriques, des escapades sous marines, les gouffres du fleuve et des frissons de peur en traversant le fleuve en crue. Bien sûr elle entraînait le petit frère dans ses délires délicieux et délictueux.

Elle aimait explorer l'âme humaine aussi, mais c'est une autre histoire.

L'âge adulte la calma un peu : la vie éteint les rêves fous et  développe des escapades plus sages. A deux, ils explorèrent des pays lointains, à l'époque franchir une frontière proche était déjà explorer le monde. L'Europe, le Maroc, le désert furent un nomadisme à deux loin des routes sages et des sites touristiques. Il fallait à la jeune femme des espaces, des couleurs, des parfums, de la griserie. Ses lectures, depuis l'enfance laissaient une large part aux aventuriers et aux aventurières surtout.

Piste du désert marocain


Piste en Turquie






Un animal

Et l'autre




Oued  marocain
Cascade norvégienne





Ce que j'aimais plus que tout  : le désert

Il suffisait de franchir la porte

Et le rêve s'éveillait

Neiges marocaines


Aux portes du désert



Un style

Un autre style


Et la vie passa ainsi, entre rêves fous, nombreux et escapades plus sages, nombreuses aussi.


Oasis

Un jour la vie s'éteignit.

Puis recommença, et se poursuivit, autrement...

Vent de sable qui balaye tout


La femme vieillissante réveilla ses rêves de petite fille, cette petite fille qui avait navigué avec elle contre vents et marées ; la solitude n'altéra en rien l'envie de découvrir, la développa, même, autrement.

2006 : 56 ans, nouvelle vie


 Ce furent en solo, les routes, les montagnes, l' Espagne, la neige, le vertige des pics et des pentes, la voltige sur les arêtes, la grimpe avec pieds et mains en cadence, les rivières, les sentiers, les forêts, mille lieux et sites à apprivoiser, mille peurs à dompter, mille trésors à découvrir, Mille expériences à tenter et une seule chance : réussir à réaliser  ses rêves.


Réaliser ses rêves...2015, 65 ans


La femme vieillissante sent ses forces décliner, son équilibre vaciller, ses douleurs la harceler, des barrières se fermer, les montagnes se redresser, les arêtes se barricader mais jamais ses rêves s'arrêter. Ni ce brin de folie sans qui un rêve n'en est plus un . La sagesse viendra ... un jour...








La sagesse, c'est d'avoir des rêves suffisamment grands 
pour ne pas les perdre de vue lorsqu'on les poursuit. 
Oscar Wilde


Puissent-ils, ces rêves, m'animer encore longtemps et me faire courir le monde, celui qui n'appartient qu'à moi l'espace d'un instant, mais qui, si proche, m'emmène si loin....





Autoroute, reflet de mon véhicule sur la citerne d'un camion

Nuit  en montagne