jeudi 29 août 2019

La déprime

Je me réveille de la sieste. Une sorte de brume, dans cette chaleur empesée de cet insupportable été. Août touche à sa fin. Je me réveille et je reste immobile, quasi incrustée dans ce dessus de lit de coton, incapable du moindre mouvement. Comme momifiée. Mes chats le sont aussi. Nous sommes inertes et incrustés alors que le ciel incandescent écrase tout sur son passage. Incapable de me lever, d'effectuer le moindre geste. L'horloge du village égrène ses quart d'heure imperturbables. Sous un ciel de feu. Pourtant j'aime ces ciels de feu, réminiscence des étés d'enfance. Rien n'y fait. La déprime a installé ses quartiers d'été en moi, inexorable, imperturbable, insatiable.




Depuis que j'ai commis l'erreur de me retourner, de regarder dans le rétroviseur de cet été presque enfui. Un jour, un instant, je me suis retournée, j'ai oublié que je ne le faisais jamais, que je ne regardais que devant . Je l'ai fait, un instant, un instant de trop, trop tard, et ce que j'ai vu me fut fatal.
"Un été de porcelaine" chantait quelqu'un jadis...la porcelaine est fragile et se brise.
Alors, la déprime, ma vieille compagne, longtemps combattue, est revenue sans s'annoncer et c'en fut fini de ma sérénité, de ma tranquillité imbécile.



Je ne bouge toujours pas, pas encore, pas tout de suite.
Pourtant mon environnement est rassurant.
Ce matin, pour échapper à la déprime, j'ai lavé, nettoyé, ciré, dépoussiéré. Mon environnement brille, sent bon, tout est rangé et en place pour ne pas fatiguer mon regard.
Trop tard...




Depuis des jours, je lutte et je combats. Tout est propre dehors, dans le jardin, dans la maison, tout est fait au cas où je ne pourrais plus. La déprime détruit tout, jusqu'à la moindre parcelle d'énergie et il y a longtemps que je l'ai évincée, oubliée. Elle non. Elle attendait le pas de trop, la faille, l'erreur de parcours.
Je me suis retournée, j'ai regardé en arrière. Pas un regard innocent et c'était là qu'elle s'était lovée. Au détour de ce regard.
Ce que j'ai vu n'était ni reluisant, ni rassurant. Elle m'a sauté au visage en quelques instants et depuis c'en est fini. Je lutte contre elle; elle a un défaut ma déprime, elle n'aime ni l'altitude ni l'action et c'est là que je peux la tenir en respect. J'en use. Mais je ne m'abuse pas.



C'est elle qui allume des perles dans mes yeux, des perles de pluie qui mouillent même la nuit, qui me réveillent au coeur de la nuit.
Je serre les dents, je raccomode la carapace, mais je sais...je sais que je ne sais pas quoi faire, comment l'éradiquer.
Je ne sais même pas, depuis le temps qu'elle s'était enfuie si Messieurs Prozac et Lexomil sont encore en vie. Je tarderai encore un peu à les appeler, je veux rester éveillée. Je m'accroche à ce qui me reste, à ceux qui me restent : la montagne et mes chats. Pour le reste, les points d'accroche sont délités.
Mais qu'est ce que j'ai donc vu dans le rétroviseur de cet été incandescent ? Justement...justement rien....




Rien qui fait qu'on puisse encore se sentir un être humain.
Ce que j'ai vu...ah ce que j'ai vu....cette chose infâme que j'avais combattue, apprivoisée, aimée, recherchée, au fil des années et qui soudain refait surface, comme neuve, comme nouvelle née, cette immortelle, cette infamie dont j'avais fait une amie : LA SOLITUDE qui s'acoquine avec cette autre ennemie à laquelle elle emprunte le nom, pour un jour, une semaine, un mois ou plus...LA DEPRIME.
Le voilà mon cadeau d'été..je dois le déguster avant que de m'en débarrasser.
D'une manière ou d'une autre j'y parviendrai. En silence ou en secret...enfin presque puisque à présent j'en ai parlé.