Ce soir, pour la première fois de l'année, l'automne est entré en ma maison. Dehors, c'est douceur, grisaille, crachin, larmes du ciel peu habituelles ici...
Il n’en fallait pas
davantage pour fermer la maison, allumer la cheminée et inviter les chats au coin
du feu.
Il n’en fallait pas
davantage pour mitonner une soupe au lard, redonner vie et parfum à la maison
trop souvent morte et délaissée. Parfum du feu, parfum des légumes, parfum de
vie.
Jadis, de mes plus
profondes détresses, j’ai essayé de m’extirper en cuisinant une soupe de
légumes qui redonnait un semblant de vie à la maison.
Je ne suis pas casanière,
j’aime le dehors, le jardin, l’air du temps, les montagnes.
Ce premier soir automnal,
en ma cuisine, entre la soupe et la cuisson des dernières tomates du jardin,
l’absence me saute au visage. Sur la table vide et nue.
L’absence de mes deux
chats qui aimaient se restaurer sur la table et assister mes
« talents » culinaires. Ils dorment dans la terre du jardin…les
autres se restaurent devant le feu.
Alors l’absence
s’installe, insidieuse, sournoise, dévastatrice.
L’absence…Les absences....
Pires que la solitude!
Celle-là, je l'ai apprivoisée, tant bien que mal, avec vaillance et opiniâtreté.
Mais
l’absence…
Ceux que j’aimais sont
partis. Ils ont déserté ma maison et ma vie.
M’ont laissée seule au
bord de la route.
Fauchés par la mort ou
emportés par la vie.
Mon père qui dort dans un
petit cimetière, dans sa tombe croulant sous la verdure et les fleurs.
Mon père, mon soutien de
toute une vie…
Mon fils, parti vers une
autre vie dont je suis absente et orpheline.
Mon mari parti vers une
autre vie dont je suis absente aussi.
Heureux tous les deux.
Et puis mes chats, mes
petits morts. Eux qui m’ont aimée sans faille, sans duperie, sans condition,
qui sont enfouis dans la terre du jardin, à qui je parle souvent sous le
couvert de la treille.
L’absence dans cette
maison devenue trop grande, trop silencieuse, trop vide et à laquelle je
préfère la vastitude, le silence et le vide des montagnes ou le cocon douillet
de mon petit camion aménagé. Ce petit cocon qui m’emporte dans des montagnes
perchées et des vallées isolées où l’absence devient plus légère et la liberté
plus grande.
L’absence n’est pas qu’un
vide, c’est un silence.
Oui,
l’absence…
Celle des "amis" qui téléphonent
moins parce que « c’est bon signe » disent-ils, c’est la preuve
qu’ils « sont mieux dans leur vie » !
Celle des relations
éphémères qui respirent un air de liberté sans jamais s’impliquer. Assurément
l’absence qui pèse le moins !
La vie est jalonnée de
présences vouées, dans l’ordre logique des choses, à devenir absences : ma mère, âgée, mes chats.
Je n’ose espérer qu’une
chose : ne jamais m’absenter de moi-même, la seule absence dont on ne
souffre pas, mais la pire des absences. Celle qui fait qu’on n’est plus rien,
seulement un vide vertigineux, dans lequel peu à peu, insidieusement, toutes
les choses familières deviennent des absences, sans nom…
J’ai essayé de rebondir,
à toutes ces absences, de leur donner du sens. Hormis la mort, inéluctable, l’absence est une question perpétuelle sans
réponse…pourquoi ?
Un
pourquoi que l’on porte parfois comme une croix…
le 18 octobre 2013