dimanche 20 octobre 2013

Absence





Ce soir, pour la première fois de l'année, l'automne est entré en ma maison. Dehors, c'est douceur, grisaille, crachin, larmes du ciel peu habituelles ici...
Il n’en fallait pas davantage pour fermer la maison, allumer la cheminée et inviter les chats au coin du feu.

Il n’en fallait pas davantage pour mitonner une soupe au lard, redonner vie et parfum à la maison trop souvent morte et délaissée. Parfum du feu, parfum des légumes, parfum de vie.
Jadis, de mes plus profondes détresses, j’ai essayé de m’extirper en cuisinant une soupe de légumes qui redonnait un semblant de vie à la maison.



Je ne suis pas casanière, j’aime le dehors, le jardin, l’air du temps, les montagnes.

Ce premier soir automnal, en ma cuisine, entre la soupe et la cuisson des dernières tomates du jardin, l’absence me saute au visage. Sur la table vide et nue.
L’absence de mes deux chats qui aimaient se restaurer sur la table et assister mes « talents » culinaires. Ils dorment dans la terre du jardin…les autres se restaurent devant le feu.



Alors l’absence s’installe, insidieuse, sournoise, dévastatrice. 
L’absence…Les absences....
Pires que la solitude!
Celle-là, je l'ai apprivoisée, tant bien que mal, avec vaillance et opiniâtreté.


Mais l’absence…
Ceux que j’aimais sont partis. Ils ont déserté ma maison et ma vie.
M’ont laissée seule au bord de la route.
Fauchés par la mort ou emportés par la vie.
Mon père qui dort dans un petit cimetière, dans sa tombe croulant sous la verdure et les fleurs.
Mon père, mon soutien de toute une vie…
Mon fils, parti vers une autre vie dont je suis absente et orpheline.
Mon mari parti vers une autre vie dont je suis absente aussi.
Heureux tous les deux.
Et puis mes chats, mes petits morts. Eux qui m’ont aimée sans faille, sans duperie, sans condition, qui sont enfouis dans la terre du jardin, à qui je parle souvent sous le couvert de la treille.

L’absence dans cette maison devenue trop grande, trop silencieuse, trop vide et à laquelle je préfère la vastitude, le silence et le vide des montagnes ou le cocon douillet de mon petit camion aménagé. Ce petit cocon qui m’emporte dans des montagnes perchées et des vallées isolées où l’absence devient plus légère et la liberté plus grande.
                            L’absence n’est pas qu’un vide, c’est un silence.
Oui, l’absence…
Celle des "amis" qui téléphonent moins parce que « c’est bon signe » disent-ils, c’est la preuve qu’ils « sont mieux dans leur vie » !
Celle des relations éphémères qui respirent un air de liberté sans jamais s’impliquer. Assurément l’absence qui pèse le moins !

La vie est jalonnée de présences vouées, dans l’ordre logique des choses,  à devenir absences : ma mère, âgée, mes chats.
Je n’ose espérer qu’une chose : ne jamais m’absenter de moi-même, la seule absence dont on ne souffre pas, mais la pire des absences. Celle qui fait qu’on n’est plus rien, seulement un vide vertigineux, dans lequel peu à peu, insidieusement, toutes les choses familières deviennent des absences, sans nom…


J’ai essayé de rebondir, à toutes ces absences, de leur donner du sens. Hormis la mort,  inéluctable,  l’absence est une question perpétuelle sans réponse…pourquoi ?
Un pourquoi que l’on porte parfois comme une croix…



                                                                         le 18 octobre 2013


8 commentaires:

  1. oui l'absence est un silence, un soupir.
    C'est un bien beau texte qui prend au coeur.
    Je t'embrasse fort
    Laurence

    RépondreSupprimer
  2. Merci, Laurence; il semblerait que tu aies expérimenté cette épreuve; au fond, elle attend chaque humain, d'une façon ou d'une autre, d'une absence ou d'une autre...Je t'embrasse aussi.

    RépondreSupprimer
  3. On apprend à vivre avec l'absence, mais pourtant elle est toujours présente... et ton texte le dit si bien.
    Oui, un très beau texte, Lison. Merci pour ce partage.
    Je t'embrasse fort.

    RépondreSupprimer
  4. Oui, et je me dis aussi que plus on vieillit, plus les absences s'accumulent. On en parle avec ma mère; il y a ces personnes très âgées qui voient leur famille décimée et qui restent seuls comme des naufragés sur un îlot c'est triste. moi, je peux encore rebondir à mon âge. Bises, Françoise

    RépondreSupprimer
  5. Oui, Lison, et je comprends parfois ces personnes très âgées désireuses d'en voir la fin (je pense à l'une de mes tantes qui a 89 ans, qui est impotente, et qui ne voit plus clair), et qui se demande pourquoi elle est encore là. Je lui dis alors qu'il y a un sens à ce qu'elle soit encore là, qu'elle a encore plein de choses à nous apporter, et cela la fait sourire. Bises, Lison.

    RépondreSupprimer
  6. il y a ces personnes âgées qui s'expriment encore, il y a ma mère qui est en survie depuis l'absence de mon père et puis il y a ceux qui n'ont pas perdu l'esprit mais qui se sont murés dans le silence et une sorte d'absence à eux mêmes.
    Bisous, Françoise

    RépondreSupprimer
  7. j'ai éclaté en sanglots en te lisant ...ces mots résonnent trop forts... on se découvre à peine .. et malheureusement, je n'ai que trop parlé dans d'autres blogs précédents de mes douleurs de vie...que Françoise, au dessus :-) d'ailleurs a pu suivre ... et je ne le veux plus... mais je reviens de loin.. je cherche la lumière et ne me décourages pas . J'ai la chance d'être entourée, mais des êtres chers, également tous mes chiens adorés, ma meilleure amie, et puis l'abandon de celui qui était notre fils et a planté ma fille avec ses trois petits...mais on remonte la pente, Lison.. toujours...
    je ne laisse jamais le silence s'installer, je crie, je tempête, j'écris...je comprend que ça te fasse mal,et tu l'exprimes bien .... maman est devenue Alzheimer, cette absence là est aussi si douloureuse...

    nous avons tous tant d'absence à affronter en prenant de l'âge ...mais que peux t-on faire devant l'inexorable !

    j'aime te lire ça c'est sûr !
    Amicalement Nanou

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour ton très beau et très profond commentaire qui me touche particulièrement parce que je sens une très profonde souffrance; la souffrance nous grandit; on a une chance extraordinaire c'est d'avoir les mots pour l'écrire sinon pour le dire. Je te suis sur ton blog; je te croyais jeune femme je te découvre grand mère. Jeune femme parce que ton blog est très enthousiaste. Bises Nanou

      Supprimer