dimanche 28 décembre 2014

Montserrat la Catholique.

Le massif de Montserrat (voir mon autre blog - clic-) est en lui même un sanctuaire.



Il y a certes le "vrai" sanctuaire, le Monastère bénédictin édifié au 11 ème siècle en hommage à la "Moreneta", la Vierge Noire.
Tout a commencé en l'an 880 lorsque des bergers découvrirent dans une grotte, une représentation de la Vierge. L'Evêque de Manresa, petite ville proche , ordonna la construction d'une chapelle.
4 chapelles furent ensuite édifiées dont une seule subsiste actuellement.
Cependant, en l'an 945, un premier Monastère, dédié à Ste Cécile fut bâti.
Relayé par le Monastère de Monserrat à partir de 1025.

Matin soleil


Emergeant de la brume




En 1811, les guerres napoléoniennes détruisirent l'abbaye qui fut reconstruite : ce sont les bâtiments actuels.


Toutefois, l'Espagne, donc la Catalogne, fut marquée une nouvelle fois par l'histoire.
La Guerre Civile (1936 /1939) épargna relativement les bâtiments, un peu moins les moines dont 23 périrent.

La Basilique que l'on visite, est très fréquentée : son aspect est assez moderne car elle a été récemment restaurée.
Vu d'en haut, depuis les sentiers de randonnée

On pénètre dans la Basilique après avoir traversé le site, puis une immense place qui offre des vues fantastiques sur la plaine. Place très cosmopolite où l' Europe de l' Est voisine avec l' Asie dans un joyeux pêle mêle de langues.


Basilique : nef unique de 58 m de long x 15 m de large x 23 m de haut.
Derrière la nef, un couloir "secret" conduit à la Moreneta, bien cachée dans son cadre en argent  et son logement de verre. On peut juste poser la main sur la boule de bois qu'elle tient à la main.
Elle fut sculptée au 12 ème siècle et est la Sainte Patronne de Catalogne, vénérée le 27 avril.
Il faut avouer que c'est un moment émouvant même lorsque, comme moi, on ne croit pas. Pourquoi ? Il y a une atmosphère tellement recueillie, une magnificence dans cette simplicité...L'instant est solennel....


La grotte qui accueillit la Vierge est accessible mais...je n'ai pas eu le temps...
Le Monastère compte aussi un Conservatoire pour enfants, un des plus anciens d' Europe et comptant parmi les plus réputés du Monde : l' Escolania (ou manécanterie).


Cette Vierge qui veille sur la Catalogne  a été érigée aussi tout en haut d'un piton rocheux ainsi les promeneurs qui l'aperçoivent ( ce qui n'est pas donné car vraiment elle est quasi invisible : faut une bonne vue  et ensuite un bon télé ou des jumelles)  sont sous sa protection. Quand même fallait le faire ! Sont ce des grimpeurs qui allèrent là haut ?

Ou des maçons à l'aide d'un hélicoptère ?



Mais la montagne comptait aussi 13 ermitages dont il ne reste pas grand chose : ils furent quasi tous détruits par le siège des Armées napoléoniennes en 1811.

De  ces ermitages, il reste quelques traces au bout de sentiers escarpés, ou de petites chapelles assez semblables les unes aux autres.
Des grottes, je crois aussi abritent encore des ermites...Je n'ai rien vu de tout cela, j'ai juste effleuré la Sierra.
Chapelle Saint Jeroni

Saint Jeroni

Sant Joan




Sant Benet




Accéder à Santa Magdalena demande quelques efforts : des escaliers, une rampe tellement c'est raide, "un sentier de chèvres"...et il ne reste rien sinon quelques murettes en ruines. Mais l'effort en lui même est une joie.




Santa Magdalena autrefois

Et aujourd'hui
Cependant, le plus spectaculaire, à 1000 m d'altitude, comme à peu près tous les sanctuaires,
 c'est Saint Ornulphe (Sant Ornulfo).



Sur cette photo, vous voyez St Jean perché sur son promontoire et, à flanc de la plus lointaine colline de pierre, on devine quelques constructions en ruines , c'était l'ermitage suspendu de Saint Ornulphe. Absolument extraordinaire.
J'appelle souvent un ou autre chat "Ornulphe" , par dérision, mais je n'aurais jamais imaginé cela.

Sous le surplomb de la corniche, à mi falaise, les moines avaient érigé des murs, une plate forme semi suspendue, un passage, deux ou trois pièces , le tout couvert par une toiture dont on voit encore l'ancrage  et quelques tuiles.

Sous roche : pièces, banquettes, âtre, cloisons de briques

Passage suspendu à flanc de falaise

Ancrage de la toiture

Une des deux citernes creusées dans le roc
 Quant à l'eau elle était récupérée lors des pluies par un astucieux système : des saignées avaient été taillées dans le roc, et conduisaient par une canalisation l'eau dans les citernes.


Saignée dans la roche et récupération des eaux
Certes c'était spartiate mais n'était ce pas la règle ?


Il m'en reste des choses à voir dans cette Sierra plutôt mystique et mystérieuse...
Nous y reviendrons, avec Lison...


Lison sur l'autoroute : un copilote avisé


A bientôt....

dimanche 14 décembre 2014

Deux femmes



J'ai pioché au hasard dans ma bibliothèque et j'en ai extrait 2 ouvrages.
 Le hasard ayant très bien fait les choses je ne peux que vous faire partager
ce délicieux moment de lecture.

Ce sont deux figures de femmes peintes à 9 ans d'intervalle, l'une par un homme, en 1927, l'autre par une femme, en 1936.
« Adrienne Mesurat » par Julien Green et « La femme de Gilles » par Madeleine Bourdhouxe.

Julien Green (1900-1998) est de nationalité Américaine, né à Paris, et a presque toujours écrit en français. Son oeuvre est immense, influencée par son fervent catholicisme : le Bien et le Mal , l’Hypocrisie de la religion; il a succédé à Mauriac à l'Académie Française, seul écrivain de nationalité étrangère.. Il repose en Autriche selon son désir. Il a participé à la guerre de 14 en tant qu’artilleur, à 18 ans.





Madeleine Bourdhouxe (1906-1996) est Belge. Son premier roman n'a pas été publié car le second ayant  eu un succès immédiat, elle ne voulut pas le publier. Elle a publié une dizaine de romans et nouvelles, dont le dernier recueil à 79 ans.







D’ Adrienne Mesurat , Julien Green écrira dans la préface de 1973 pour la seconde édition : « Quand le livre parut, quelqu'un s'avisa qu' Adrienne n'était autre que moi ». On retrouve dans l'ouvrage dit-il, la maison familiale et même la figure paternelle, ce dont son père sera peiné. Cette oeuvre s'apparente à Eugénie Grandet et à Madame Bovary, deux jeunes femmes périssant d'ennui en province.
Adrienne est une toute jeune fille de 18 ans, très mature. Son existence est confinée entre un vieux père austère et une soeur, vieille fille malade et aigrie. Adrienne voit se profiler la lumière dans un regard croisé au hasard dans sa rue et bâtit tout un univers sur un rêve. Le roman décrit cette existence quasi figée sur quelques mois à peine, et pourtant riche en rebondissements, jusqu'au poignant dénouement. Dans un style propre à Green, riche en emploi du passé simple, qui sert magistralement la montée en puissance de cette atmosphère. Un pur régal.
Poche N°3418
(Dans cette édition, une préface de 16 pages écrite par J Green lui même parle de l'ouvrage.)
De Julien Green j'avais adoré "Moïra". Bien que ce soit aussi une femme,qu'évoque le titre, le personnage principal en est un jeune homme puritain. Le bien et le mal s'affrontent avec violence dans ce roman.

« La femme de Gilles »  raconte quelques mois de l'existence d'un jeune couple en milieu ouvrier. Il travaille en usine, elle s'occupe des petites jumelles, de la maison, c'est une vie simple, paisible, laborieuse. Ils s'aiment et sont heureux. Un petit garçon va naître de cette union heureuse.
Pourtant dès la 6 ème page, quelque chose va basculer, par le biais de Victorine, la jeune soeur d' Elisa, (la femme de Gilles), dont Gilles va tomber éperdument amoureux. Une passion dévastatrice. Dont Elisa se rendra vite compte. Avec amour et abnégation elle va souffrir en silence puis elle va aider Gilles, le soutenir, le porter comme un enfant, elle va aller jusqu'au bout d'elle même, après que Gilles eut été abandonné par sa jeune maîtresse. Enfin, un jour, le ciel de Gilles va s'éclaircir, les affres de la passion vont s'évaporer. Elisa, soudain, se trouvera vide de quelque chose, comme dans  une dépression post partum, les mains vides mais aussi, peut être, le coeur vide. Le coeur vide ? Cette perspective terrifie Elisa.
Comme pour Adrienne Mesurat, la fin sera poignante. On aimerait pouvoir la changer...

Babel N°19
Ce qui est merveilleux dans ce petit roman d'une centaine de pages c'est l'analyse époustouflante que fait cette jeune écrivain de  l' amour de cette jeune femme toute simple pour son mari. Et de la montée en puissance de la souffrance qui va avec.




lundi 8 décembre 2014

Aristot ou l'âme Catalane

Sur fond de visite d' Aristot, je vais vous parler d'âme.
Si Aristot ne compte qu'une dizaine d'âmes, celle que j'y ai rencontrée n'est pas la onzième; c'est autre chose, plus vaste, plus subtil, plus profond: l'âme Catalane.


Aristot

J'ai aimé l'Espagne dès mes premiers voyages découverte, soit tout de suite après la mort
 du Général dictateur Franco, en 1975. Fascinée par l' Espagne, de l' Andalousie
 à la Cantabrique, de l' Extrémadure à la Galice, en passant par Castille, La Mancha 
et autres provinces.
Que reprochais je alors à la Catalogne qui échappait à cette entité, à cette identité?
 Rien, certes, rien que à mon goût,il manquait quelque chose.
La Catalogne en fait était trop proche de chez moi. Familière par sa proximité, familière 
dans ses lieux de proximité, sans grande personnalité sur mes trajets. Qu'étaient ils mes trajets 
d'alors? La frontière/ Barcelone/ Tarragone/ Lérida, par l'autoroute.
Esprit de jeunesse, comme il peut être sclérosé...
Je suis Catalane, mais Catalane « d'ici » et eux sont Catalans de « là bas ».
Une langue qui a des similitudes mais qui n'est pas la même (le Roussillonnais chez moi), des idées politiques très dissemblables (Catalanité et désir d'indépendance là bas), je dirais à mon humble échelle que la catalogne espagnole est un pays dans le pays, avec sa langue, ses aspirations et son identité culturelle très marquées.
Bien des années plus tard-donc récemment- je commençai par le biais de la montagne à aller à la rencontre de la Catalogne. Qui dit montagnes dit vallées profondes, villages isolés, ruralité et  habitants authentiques.
Je suis entrée sur la pointe des pieds dans ce pays étranger et étrange, je m'y sens aujourd'hui chez moi.
Je parle la langue, le Catalan de « là bas » avec ses mots, ses expressions, ses intonations.
Je suis fière lorsqu'on me demande comment je « parle aussi bien », fière quand on me demande si je suis issue de l'émigration ou de la Retirada (l'exode pendant la Guerre Civile (1936/1939).
Je ne me sens pas « une appartenance », je me sens acceptée.
Je commence surtout à « les » comprendre.

Quand j'arrive à Aristot (le T final se prononce),en ce soir grisâtre de fin novembre, je ne sais pas qu'un petit supplément d'âme me sera donné.





J'ai rencontré Aristot de loin, sans savoir que c'était lui,  un jour d'été où je me rendais au pied de la Sierra . Un village perché dans la pente ardue d'une montagne, serré autour de son église, comme pelotonné par manque de place et il n'en fallait pas plus pour être séduite : « un jour j'irai » me suis je dit. Ce ne sont jamais chez moi des paroles en l'air.



1er juin 2014

J'ai rapidement trouvé l'embranchement des 6 km de route sinueuse qui mène au village perché face à la sierra. Dans un chatoiement de couleurs de feu. Le village est inaccessible semble t'il pour mon camion et la petite route continue à grimper jusqu'au parking situé sur les hauteurs. Un parking doté d'une fontaine couverte, le village est en contrebas. Mon premier soin est d'aller à sa rencontre.
Je suis sur l'emplacement du château où un belvédère domine vallée et monts.

Comme c'est étrange...L'histoire de ce château débute au Moyen Age et finit pendant les Campagnes Révolutionnaires de France(1794), Batailles sur le front des Pyrénées, étroitement liées à l'Histoire de mon village. D'ailleurs je suis co auteur d'un Sentier Historique de ces campagnes sur mon village. Et voilà que le château d' Aristot servit de point défensif contre les armées françaises. Et mon village fut le théâtre sanglant de combats contre les Espagnols; certes c'est une autre histoire .
 Mais Aristot en est -aussi- un des sites...
Face à "ma " Sierra.

En dessous, s'étage le village: de village il a le  nom, les maisons, l'église, une ou deux rues et une place. Pour le reste, c'est surprenant.
Je m'empresse de le parcourir ce qui est vite fait. Très pentu, ses maisons à étage ont une façade à 3 ou 4 niveaux, « la rue » du dessus étant au niveau...du toit. Facile pour ce résident de refaire son toit ! Son échafaudage est minimaliste.



Réfection du toit par la rue du dessus

Sans oublier le drapeau
Une "rue"...classique



XIII ème siècle

Face à la Sierra

Aristot me captive par son site, son architecture, sa vie quasi oubliée.
Je rencontre le monsieur qui refait son toit : il loge son tracteur et sa remorque dans la ruelle, avec dextérité.
Je rencontre les animaux du village, trois chiens et une douzaine de chats, sauvages mais ayant un bon hôtel restaurant en apparence. Dans ces villages les chats ne sont jamais abandonnés à la rue : des granges, des fenils, des cuisines leur sont ouverts.


Non Aristot n'est pas que cela.


Je rencontre, dans la nuit noire, en allant marcher dans le village, ce supplément d'âme qui me fait comprendre les Catalans.
Aucun de ces villages ne meurt même s'il est vidé de ses habitants; qu'il en reste 4, 8 ou 10, le village se rebâtit, se rénove, reprend vie même pour quelques jours ou quelques heures.
Le Catalan est attaché à son sol, à sa terre, à sa pierre comme nul autre; où qu'il soit il revient toujours et fait vivre, cultive, régénère ses racines.
C'est un peuple qui ne renie pas ses sources.



C'est à Aristot que cela me saute au visage comme une bouffée de cet air froid de la nuit alors que j'arpente les ruelles sentiers, les ruelles escaliers , que je marche au dessus des toits et qu'une voix issue de la nuit noire me crie "Qui va là ?". La voix de cet octogénaire qui attend sa soeur, assis sur une pierre, la canne entre ses mains noueuses et qui me raconte sa vie de berger lorsqu'il allait voir si le vêlage s'était bien passé à des heures de marche, dans les montagnes.Chemin faisant dans les noires nuits...


Toits vermoulus
Ruelle de pierre

Ruelle sentier

De bonnes jambes
pour marcher dans les rues!

Faut être mince!
















































Aristot : je crois que je ne me fusse point arrachée de son site, après une nuit de pluie, même en ne voyant pas la Sierra avalée par les nuages.

Fermes disséminées

Village en face.



Nuages qui avalent tout sur leur passage en ce matin maussade et pourtant coloré.
Toutes les pentes autour d' Aristot, véritables bois de chêne, parlent à qui sait les regarder, du temps où le village vivait pleinement sa vie rurale. Des murettes jusqu'au sommet des pentes ardues, des cultures à jamais enfuies. Qui s'en souvient encore ?



Je quitte Aristot dans un matin cireux : il pleut à gros bouillons.



Quelques autres villages  face à la Sierra (clic) sont sur mon autre blog