dimanche 29 décembre 2013

Le feu et la cendre

Dans un champ, un jour de décembre 2006, un grand feu de branchages faisait danser et se tordre les platanes de l'autre côté de la route; une vive chaleur émanait de ce brasier, de quoi réchauffer 
cette avant veille de Noël en demi teintes.





Ce jour là, je commis un sacrilège dont je me repens aujourd'hui.
Aux portes de ma nouvelle vie, j'ai été prise d'une frénésie de rangement qui conférait à l'élimination systématique..
Et dans ce feu, froide et déterminée, j'ai lancé tous mes écrits d'adolescente, c'est à dire mon journal intime.
Il y avait des centaines de pages couvertes d'une fine écriture penchée, à l'encre violette puis verte, à la plume pour bon nombre d'entr'elles, et agrémentées de quelques dessins.
Une liasse épaisse et jamais relue.
Elle reposait dans un coffret en métal bleu, nanti d'une serrure et d'une petite clef et dormait dans une armoire depuis plus de 30 ans.




Les flammes ont dévoré mon passé. 
Plus tard, je l'ai beaucoup regretté.
On ne devrait jamais agir avec impulsivité...
J'ai regardé avec une joie féroce se tordre et se consumer ces pans entiers de ma vie; c'était comme ma jeunesse que je brûlais...
Non contente de brûler mes écrits, j'ai aussi mis le feu à près de trente ans de souvenirs de voyages et autres sorties, sous forme de tickets collés dans des cahiers d'écolier : notes de restaurant, tickets d'entrée à différents spectacles, passage sur les ferries, voyages au long cours en Europe du Nord, de l'est, du sud, Maroc, Turquie, tous effectués en véhicule depuis l'ancestrale 2 CV.

Brûlés sans états d'âme eux aussi; je les regrette depuis.

Il est resté un cahier rescapé, je ne sais par quel miracle...



Celui ci parle de l'Exposition Universelle de Séville en 1992.

Aujourd'hui, quand me prennent des envies de rangement effréné, je réfléchis bien avant d'entreprendre le chemin du brasier !


Et encore, heureusement que je n'ai pas brûlé tout ce que je souhaitais, car je crois que je n'aurais plus aucun passé; il me reste des dizaines de milliers de photos papier qui ont bien failli prendre le même chemin !

Quelle sotte ai-je été!

mercredi 25 décembre 2013

Balsac et Balzac

Dans mon périple Aveyronais d'avant Noël, je ne pouvais passer près de Balsac sans m'y arrêter.
Certes il manquait un Z et un S s'y était substitué, ce n'était pas du même dont il s'agissait mais j'était très honorée de faire escale à Balsac. Balsac ne parut pas particulièrement honoré de ma présence en ses murs mais cela ne m'importait guère.
Après le ruissellement de lumières de la cathédrale de Rodez, j'arrivai à la noire nuit dans un village aux contours noyés dans la lueur des phares mais l'église, posée comme un îlot sur une place immense me séduisit aussitôt.
Elle ruisselait de lumière blonde sauf son porche, nanti d'une crèche noyée de bleu sous des cieux noirs et d'un grand Père Noël facétieux auquel un enfant tout aussi facétieux alla tirer la barbe, ce qui fit crier, vitupérer, vociférer ce rougeoyant personnage à barbe blanche.


L'enfant disparut au grand galop sur l'immensité de la place suivi par son père tout aussi vociférant que le père Noël et s'évanouit dans la nuit, ramenant un soudain silence que plus rien ne devait troubler en  cette nuit d'hiver.


De mon lit, je voyais ce tableau coloré , ponctué toutes les demi heures par la cloche de l'église qui, si elle donnait l'heure à écouter, ne semblait pas s'entendre avec son voisin clocher qui avait perdu une aiguille au fil du temps, l'autre aiguille n'en faisant qu'à sa tête et ne suivant en aucun cas ni les heures ni les minutes, ayant perdu la tête dans une folle et illogique sarabande.

Donc Balsac était un peu fou dans ce soir d'hiver.

Bien sûr je savais que Balzac Honoré (qui avait fini par ajouter une particule à son nom dans sa jeune existence) n'avait rien à voir avec ce Balsac-là.

Né à Tours en 1799 et mort à Paris en 1850 à 51 ans, ce fut un sacré personnage.
Je peux difficilement lire Balzac bien que ses ouvrages soient passionnants, une succulente peinture humaine et sociale parce que Balzac m'épuise !
Et oui, j'ai l'impression d'être au théâtre avec un va et vient perpétuel de personnages qu'on s'évertue à suivre et qui finissent par échapper, dans un tourbillon d'actions qui virevoltent et donnent le tournis : ah! on ne s'ennuie pas avec Balzac, et on ne s'y endort pas.

Il faut dire que ce sacré personnage avait une vitalité d'enfer: il fréquentait la société pour mieux la dépeindre, se cultivait intensément, aimait la bonne chère, dévorait la vie de toutes les façons et écrivait debout, 17 heures par jour, debout pour ne pas sombrer. Sombrer dans l'épuisement mais aussi sombrer socialement car il était couvert de dettes et travaillait sans relâche pour gagner de quoi rembourser...et contracter aussitôt de nouvelles dettes puisqu'il dépensait plus qu'il ne gagnaitt.
Fascinant personnage mort d'épuisement, en somme.

A Balsac, je ne trouve que le repos, je lis mais pas du Balzac, j'écris et je dessine sans quitter mon lit l'église qui me fait face, ainsi qu'une grande croix auprès de laquelle j'ai posé mon bivouac.
Et au matin, je pars à la découverte.
Des 586 habitants, je n'en verrai même pas une demi douzaine, mais dans ces villages là, on peut encore gratifier les habitants d'un aimable "Bonjour", sans avoir l'air d'un extra terrestre.
Le village est bâti en solides maisons aveyronnaises, en pierre avec de belles ouvertures dont on se demande, pour certaines, si elles n'ont pas été empruntées au château détruit en 1570 par un incendie. Et reconstruit plus tard bien sûr. Joliment restauré, même.







Je ne quitterai pas Balsac sans vous parler d'un des textes de Balzac que je préfère : "La vieille fille"
Ce petit roman de 140 pages (en livre de poche), écrit en 1836, raconte l'histoire d'une vieille fille de 40 ans (l'âge de Balzac quand il écrivit ce texte), vivant  à Alençon, dans l'Orne, qui, travaillée par l'appétit de son corps, n'eut de cesse de trouver un mari qui s'intéressât à son corps et non à sa fortune.
Un récit succulent, un portrait irrésistible de cette Rose Cormon dont voici un extrait:


La vieille fille trouva deux prétendants à force d'opiniâtreté, elle en choisit un, mais...je ne déflorerai pas l'histoire...je vous assure juste que la fin vaut bien qu'on se régale pendant 140 pages !!!

Quant à moi, je quitte Balsac après ces réminiscences pour une belle balade aveyronnaise, en compagnie de Lison, que je vous conterai dans mon autre blog.

vendredi 13 décembre 2013

Lettres à Vous

         Vous souvenez vous de ces lettres que je vous écrivais autrefois ?
La première, vous en souvient-il , était écrite à l’encre verte, d’une fine écriture penchée,
Sur une page d’agenda délavée. Je l’écrivis en vous attendant, juste avant que nous nous aimions pour la première fois. Je vous la donnai juste après, alors que nous allions nous rafraîchir à la terrasse d’un café. Il faisait beau et très chaud, ce jour là, ce jour d’un printemps tout neuf. Une photo prise par moi vous montre en train de lire cette lettre, sérieux derrière vos lunettes, attentif à mes mots. Car vous les aimiez mes mots !
         Mes mots s’envolaient, virevoltaient, s’affûtaient, s’enroulaient, se lovaient, s’étiraient, se déchiraient, se fondaient…Ils étaient chants, musiques et danses, ils étaient vents, rivières et marées. Ils étaient pour vous, ils étaient à vous, un instant, le temps que vous les possédiez.

          Jamais plus je n’ai écrit ainsi…

Vous en ai-je écrit, des lettres, que je vous ai données ou non, lues par vous ou ignorées.
Vous les aimiez. Je n’eus jamais le bonheur de vous lire, sinon par poète interposé.
Vous receviez mes mots parce que je vous aimais et que vous m’aimiez. 
Plus tard, lorsque j’admis que vous ne m’aimiez plus, je ne vous offris plus à lire mes lettres ; elles dorment dans leur cachette, trésors intacts et surannés, reliques endormies et démodées.

                         




dimanche 1 décembre 2013

Cévennes

Cévennes

Il faut vraiment aimer les Cévennes pour venir  se perdre dans ces vallées où le soleil n'entre qu'avec circonspection et la mouillure sans hésitation. 

Autrefois, je n'aimais pas les Cévennes. Trop sombres, trop austères, trop encaissées. Une végétation trop épaisse, des pentes trop raides. Des chênes, des châtaigniers...Les goûts changent. Ou évoluent. Aujourd'hui, à mon âge, les Cévennes me vont; on y devine une puissance de vie profondément ancrée, celle de la vie passée. Mais aussi la vie présente pour ceux qui y vivent, encore. Un berger et ses moutons, cet homme qui, près de moi, sans me voir, ratisse son jardin et brûle les feuilles en un joli feu d'automne.










La vallée est dite Borgne; pourquoi? Les eaux sont vertes et transparentes, comme celles de la Vis. Des yeux clairs.



Leur souffle et leur musique sont identiques; la lumière et le soleil inondent les lieux paisibles comme une jolie carte postale. Dans les rares villages ou sur les pentes, les maisons sont hautes, austères et froides comme les vieux cévenols d'antan. Toutes fermées; la vie, autrefois, le silence aujourd'hui...Je roule dans un paysage  grandiose…


Dans les Cévennes,


Il y a des lumières blondes et des fumées brillantes
Des éclats métalliques et des rais de vapeur bleutée.
Il y a des trous d'ombre et des puits de lumière
Des terrasses abandonnées et des murettes parfaites


Des demeures forteresse et des ponts arrondis









Des châtaigniers à perte de vue sur des coussins de feuilles



Des moutons sonnants et trébuchants au long des routes et dans les bois
Des rivières glacées et des débris enchevêtrés
Des arbres arrachés et des arbres dénudés
Des routes en corniche et en lacets
Et puis...il n'y a personne nulle part; la solitude au long des routes, dans les bois ou dans les bars.

Les Cévennes se meurent.

Malgré tout,

Les Cévennes redressent la tête vaille que vaille



Ecrit à Pont de Saumane le 26 novembre 2011