mercredi 25 septembre 2013

Le chagrin


J’ai découvert un jour de fin juin, aux portes de l’été, ce livre dont j’ignorais jusqu’au nom de l’auteur.
Ce gros livre de 734 pages  m’a attirée par son titre « Le chagrin »  et sa couverture, une photo en noir et blanc des années 60 représentant la quiétude familiale d’une maman poussant un landau , accompagnée de deux garçonnets dont l’un la regarde en marchant avec un regard et un sourire pleins d’amour.

Mais, ne nous leurrons pas !

La première phrase attaque, d’entrée :




L'auteur, né en 1949 à Bizerte, Tunisie
Le ton est donné et ne peut qu’inviter à la lecture.
C’est une des œuvres autobiographiques de Lionel Duroy de Suduiraut.
Autobiographiques et thérapeutiques.
Dans cet ouvrage, il raconte son parcours depuis l’enfance, et ce parcours prend un sens particulier quand on voit d’où il vient et où il est arrivé.
Une famille de souche aristocratique, qui commence , au retour de Tunisie, à Neuilly avant de finir dans une HLM de banlieue.
D'expulsions en galères.
Tribulations d’un père qui travaille dur mais dont les revenus s’en vont à vau l’eau, sombrant inexorablement une vie durant devant une épouse insatiable qui vit dans le rêve d’une vie à hauteur des défunts moyens. Elle vit dans son rêve, la réalité la rattrape, la dépasse, elle refuse de la voir. Elle en oublie ses enfants. Et plonge dans l'hystérie. Irritante et pathétique.
Par amour et faiblesse le père s’enfonce dans de rocambolesques tribulations, entraînant dans cette épopée cette quasi douzaine d’enfants, qui se nourrissent de l’amour, de la fantaisie et de la détresse de cet homme touchant. Un père attachant et pathétique qu'on ne peut qu'aimer.La mère met au monde des enfants et des hurlements d’hystérie dont Lionel sortira blessé à perpétuité.


Ce pourrait-être une de ces banales histoires dont fourmille la société de nos jours (la violence, la marginalisation, la déscolarisation, la malnutrition, le manque d’amour maternel, etc…), mais c’était il y a cinquante ans, et au bout du tunnel, à cette époque, brillait encore la lumière, l’espoir.
A bout de bras l’enfant déscolarisé s’en est sorti : il accouche dans tous ses livres de son parcours, de sa souffrance, de son élévation, de son combat, dont le dernier est l’écriture.
Un besoin, plus que ça, c’est vital, c’est son sang qui coule dans ses veines et son cœur qui bat.

"J'aurais adoré être sculpteur. L'écriture, c'est un peu pareil : vous la voyez s'accomplir devant vous, parvenir à formuler ce qui vous brise le coeur. C'est ce qui vous rend votre dignité. La vie est cruelle, notre force est d'en faire quelque chose", » L.D

« Je n'en pouvais plus de souffrir, mais j'aurais été incapable de dire précisément de quoi je souffrais. ça n'avait pas de nom, pas d'histoire, pas de visage, c'était un obscur chagrin qui me broyait le cœur ». L.D

De ce livre, on ne peut sortir indemne ; hormis la mère (quoique...), tous les personnages sont attachants.
Tous embarqués dans un même convoi, avec chacun la tête à la fenêtre pour chercher la goulée d’air salvatrice.

Après ce livre, j’ai lu « Priez pour nous »  qui fut son livre phare, son livre salvateur. Il pensait rallier autour de lui la famille blessée, réparer les souffrances communes et l’effet fut absolument inverse, à sa grande sidération. Une dévastation familiale.

J’ai découvert, par la suite que « Le chagrin » fut écrit 20 ans après « Priez pour nous » .
Je suis heureuse d’avoir commencé par "Le chagrin" car l’histoire, dans ce dernier, englobe le chemin parcouru depuis 20 ans, le chemin de l’homme après une enfance pareille.

Le texte, aussi bien du "chagrin"(récit d'un adulte) que de "Priez pour nous" (récit par la voix de l'enfant), est servi par une plume alerte, vive, acidulée sans être acide, ironique sans être caustique. Lionel Duroy pratique l'art de la dérision voire de l'autodérision. Ce n'est pas un récit, ce n'est même pas une autobiographie, c'est une épopée.
En filigrane se trouve le personnage de la mère. Et avec lui, la douleur, la souffrance, la haine, parfois, mais estompée.
C'est au lecteur de décoder, de s'approprier cette douleur, c'est à lui de la faire sienne selon sa sensibilité, son vécu.
Ce qui sauve ce récit, ces récits, du pathétique ou du réquisitoire, c'est justement que l'élément destructeur, la mère, reste en toile de fond, en filigrane, de façon permanente, mais que c'est le portrait du père qui est en premier plan,  grandi, colorié, magnifié. Car aimé. Somptueusement aimé. C'est au travers de ce père aimant et malmené que se dresse le portrait de la mère.
C'est ce remarquable portrait de père qui donne à l'oeuvre son originalité.
A découvrir absolument!

J’ai continué avec « Le cahier de Turin » et j’ai en projet : « Vertiges », « Ecrire », Trois couples », « Colères ».
Tous issus de son parcours :


« j'ai voulu inventer des personnages. Mais lorsqu'on entre dans la fiction, on ne parvient jamais à dire ce qu'on doit dire. C'est seulement quand on évoque ce que l'on ressent soi-même que l'on arrive à être juste, sur la crête de la souffrance. »L.D

Quand je découvre un auteur je lis toujours plusieurs de ses ouvrages, en suivant.
                                                         



L'auteur


 La lecture du "Chagrin", m'a renvoyée à d'autres lectures sur le thème de la mère, mère -amour ou mère-désamour. Que j'ai lus ou relus.

"Une mort très douce " de Simone de Beauvoir
"Vipère au poing" de Bazin
"L'expression des sentiments "dePatrick Poivre d' Arvor
et le splendide "Jeanne" de Jacqueline de Romilly


7 commentaires:

  1. Je note, Lison, je note. C'est vrai que cela donne envie de lire cet auteur. Mais j'ai plein, plein de livres qui attendent déjà, alors... on va attendre un petit peu... (sourire)
    Bonne nuit, Lison. Gros bisous.

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    1. J'en ai plein aussi et peu de temps; je lis un peu le soir, parfois en w end rarement dans la journée. Alors je lis mal et trop vite. Bisous

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  2. Bonjour Lison,
    Je découvre ton blog. J'ai lu avec attention ce que tu as écris sur ce livre. Cela donne vraiment envie de le lire.
    Je le note, car je travaille en bénévolat dans une bibliothèque. Je vais le proposer à l'achat. Dans un premier temps "le chagrin".
    Merci Lison !
    Chantaloup

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  3. C'est bien, ce que tu fais...
    Moi, je lis beaucoup, le soir, car j'ai peu de temps.
    En ce moment, l'oeuvre d' Annie Ernaux: belle introspection, je ferai un billet. Bises à toi

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  4. pour ma première visite ici... coup de cœur , je vais acheter ce livre la semaine prochaine ;.. je commençais à manquer de lecture alors MERCI ...
    bravo pour l'enthousiasme
    Nanou

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    1. d'autres suivront, je lis beaucoup compte tenu du peu de temps que j'ai; mais je ne peux m'en passer...a bientôt

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  5. Bonjour à vous, j'ai eu le plaisir de découvrir Lionel Duroy à l'automne, quelques jours avant mon anniversaire. D'emblée, je suis allée m'offrir "Vertiges", que j'ai dévoré. Depuis, je suis passée au "Chagrin" que je dévore de la même manière. Cette écriture de l'intime, cette façon si touchante de décrire les émotions liées à son enfance si particulière et malheureuse me touche au plus profond de mon être. Je crois que je vais lire toute son œuvre et continuerai à suivre son parcours, son chemin d'écrivain et d'homme.

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