Nyer, village de moyenne montagne, à 3 km de la grand route, n'est pas vraiment perché sur les hauteurs mais étagé sur plus de 100 m au dessus de la rivière Le Mantet. J'aime dormir près de l'eau, en lisière de forêt, malgré l'humidité. Cela contribue aux parfums, aux sensations, en un mot à l'atmosphère. Et puis il y a la musique apaisante de l'eau qui berce le sommeil.
La première des heures interdites |
Nyer vu des hauteurs de Canaveilles |
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A l'heure interdite, je quitte la chaleur douillette de mon bivouac à moteur et je pars à la découverte nocturne du petit village que je connais bien. Il me suffit de traverser le pont et de monter. Ruelles escarpées bordées de maisons de pierre, lumières blondes d'un éclairage qui a caché ses fils, reflets et brillances, froidure et parfum âcre des fumées de montagne, silence dans les ruelles et murmure des fontaines. C'est l'heure bleue des soirs qui commencent à s'étirer, que l'heure noire va bientôt dévorer.
L'heure bleue |
Dans les bois tout proches, un oiseau de nuit hulule, il semble donner le LA aux rossignols qui entreprennent leur concert où s'invitent d'autres oiseaux. Certains profitent de la musique pour débuter un ballet aérien au ras des toits, peut être curieux de cette humaine qui brave l'heure interdite qu'affiche pourtant le joli clocher comme satiné dans cette blonde lumière.
Je suis seule et cela ne doit rien au couvre feu, mais pour apprécier de tels instants, être seule est vital.
D'ailleurs la solitude m'est essentielle, vitale.
C'est mon Royaume. Dont je sais aussi entrouvrir les portes, j'ai besoin de partager . Envie de partager.
Les ruelles de Nyer sont si étroites que les rares véhicules qui s'y glissent demandent une conduite minutieuse.
A pied, on semble marcher sur des chemins de ronde .
Arrivée sur la place de la mairie, je me penche sur des cris d'enfants : ils jouent aux balançoires tout en bas, un petit chien blanc comme coton partage leurs envolées aériennes et leur joie, tandis qu'un chat noir m'attend derrière ses barreaux, vient me saluer avec majesté et dédain puis descend les marches pour aller vers ce festival de rires enfantins.
Un moment plus tard, les enfants s'égayent dans les rues, une boule blanche dans les bras et le silence revient, léger et glacé.
Mais qui m'attend sur cet appui de fenêtre ? C'est amusant, c'est beau, c'est sinistre, deux têtes comme décapitées, cela jette un froid auquel je ne m'attends pas...
Voici déjà le château, il est assez récent, élégant, style renaissance, fin 15 eme siècle, il signe lui aussi une page de l'Histoire très tourmentée (et violente) de ce petit village.
Les jardins du château |
Discrètement je longe les murs, vole quelques images, ignore les plus jolies. On a dressé de jolies tables, c'est la Saint Valentin ce soir. Ces anciens Valentins et Valentines tassés sur leurs fauteuils, immobiles et avachis, se souviennent ils encore qu'ils furent de fringants amoureux, il y a si longtemps ? Je quitte sur la pointe des pieds ce moment de grâce apparente et peut être illusoire, le coeur serré devant les ravages du Temps, celui qui m'attend impitoyablement. Le château imperturbable traverse les siècles, veille sur ce morceau de village coloré à ses pieds, jailli d'un noir d'encre, et je me glisse comme un fantôme dans les ruelles silencieuses, le concert des oiseaux est terminé, le chant de l'eau vient à ma rencontre et ne se taira jamais. 10 heures de sommeil m'attendent, je ne le sais pas encore.
Demain sera un autre jour...
Une très belle rando m'attend sur les chemins oubliés du Temps oublié.
J'aime cette ambiance nocturne, apaisante et parfois angoissante, ce sentiment que le monde s'arrête progressivement. Bises
RépondreSupprimerComplètement d'accord. Si ce n'étais la crainte des sangliers, parfois j'irais marcher la nuit dans ma campagne presque plate. Bises
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