dimanche 13 août 2017

Vieillir...

Ce texte a été écrit à Bélesta de la Frontière (66) , ce sont donc des images de ce charmant village chargé d'Histoire (Préhistoire) qui l'illustreront.
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                      Vieillir..


Parfois, dans mon blog, j'évoque des sujets de réflexion que je cultive en marchant. sans les développer, juste trois ou quatre lignes. Sur fond de beaux paysages auxquels ils s'enroulent, se déroulent et s'enfuient. La solitude, l'amitié, la mort...

Belesta sur fond de Canigou


Vieillir est un thème plus grave pour moi que la mort.
La mort se fait dans la discrétion : passage de vie à trépas, quelques mots qu'on n'entend pas prononcés lors de vos obsèques, quantité de qualités sitôt oubliées dès que le tombeau s'est refermé.
On est si vite oublié...Et on est tellement absent de sa propre mort qu'on ne la savoure même pas. On est l'unique acteur d'un théâtre dont on est pourtant absent....le rideau rouge se referme....
En longueur et en hauteur

Vieillir c'est "savourer" jusqu'à la lie un état, une dégustation dont on se passerait fort bien !
Vieillir...J'ai eu la chance d'y échapper si longtemps...

Pendant vingt ans j'ai eu 20 ans. Une pêche d'enfer, une gaieté, une légèreté qui m'abritèrent de la trentaine.
Depuis la place de la mairie

Plus tard, pendant vingt ans j'eus 40 ans.Une pêche d'enfer, une maturité, une capacité d'activité et de travail qui eussent pu m'expédier de vie à trépas...ou en maison de repos...
Que nenni ! J'étais faite d'un bois imputrescible, d'un métal inattaquable, d'un verre incassable. J'échappai ainsi à la cinquantaine.


Le café épicerie convivialité

J'abordai la soixantaine  avec une fougue de quadragénaire. Changement de vie, de métier , d'activité . La retraite. Une vie en solo. La Montagne m'ouvrait ses bras puissants et immenses, je m'y enfouis, je m'y juchai, je me régénérai.



Le petit vieux

Vieillir...Mon corps restait vif, agile, mobile, peu altéré par les ans.Une relative jeunesse. une vie près de la Nature, une vie solo, une vie pleine de crevasses. Comme les montagnes.

Des ami(e) s plus jeunes; bien plus jeunes.

Alors comment la vieillesse me sauta t'elle au visage à 65 ans ?
C'est récent, sournois, incisif, définitif.


Quelques porches

Cela commence par cette inaltérable vitalité, cet imputrescible désir de me dépasser.
J'enchaîne les randos solo: l'espace tranquille des sommets et des sentiers ne me suffit plus; Les défis me défient, faire plus, faire mieux, faire plus haut, me dépasser.
Plus je prends de l'âge, plus j'ai d'expérience, plus j'ai envie de me dépasser. Et je le fais.
C'est là que commence la distorsion. Un jour, un projet, que je prépare sans mot dire, avec opiniâtreté. Il me faut un partenaire et le couperet tombe, venu d'une jeune voix : " Tu comprends...je ne peux pas...s'il y a un problème je ne saurai pas gérer..." ce qui est légitime et prudent.
Le problème, c'est moi. Mon âge. Alors je fais appel à un guide de montagne qui me fait aller au delà de mon projet, de mes espérances.
La porte étroite

La porte bariolée
















Un peu plus tard en montagne...Dans les vignes personne ne se mesure à moi, c'est mon domaine. Indifférent ou presque à l'âge. J'adapte. Et puis je gère, je n'ai besoin de personne pour accomplir mes travaux les plus ingrats.

En montagne, c'est différent . Un jeune homme se joint à mes randos, parfois. A sa demande. Le couperet tombe encore : " Lenteur...casser le rythme..." Une honte aussi de randonner avec une "vieille" qui ose dire "mon copain". Non ! Dire "mon petit fils" à la rigueur...
D'un seul coup j'ai eu mon âge. La montagne me l'a offert, drôle de cadeau....
Il m'a manqué des étapes de vie dans ce monde blessant . Depuis je regarde les rides s'installer, les muscles s'affaisser, les chairs se relâcher. La fatigue et les douleurs s'insinuer. Depuis j'ai enterré d'un coup ma jeunesse assassinée.
Le temps qui passe


Le temps passé



















Je m'enferme dans la solitude davantage, je regarde les ravages du temps, j'enterre des projets, je m'enfonce dans une grisaille aux mille nuances de gris., où perce parfois un coin d ciel bleu. Mon âge m'a rattrapée.  Je regarde ces jeunes qui sont toujours mes copains sans prononcer ce mot. J'ai appris à me taire, à taire mes rêves, mes désirs, mes aspirations, mes émotions : les vieux n'y ont pas droit. Les vieux n'en ont pas . J'ai l'avantage d'avoir eu leur âge, de savoir leurs désirs leurs rêves et leurs émotions. Eux ne connaîtront jamais les miens car les vieux cela n'en a pas n'est ce pas ?
Abreuvoir pour plantes

Alors je les écoute, je les comprends. Aussi une certaine, une grande, une immense nostalgie s'empare de cette femme que tout le monde croit inaltérable, imputrescible et incassable. Cette femme qui fuit le monde et voit s'effriter son futur.
Pourquoi le couteau ?

Juste au moment où j'écris ces mots, une vieille dame arrive sur la place du village et à une question posée répond avec un lumineux sourire et des yeux malicieux : "ça va! Comme une vieille!".

"Comme une vieille" qui tourne le dos à la jeunesse

La vieillesse, un naufrage.
Dans une marée montante où l'eau ne redescendra plus jamais...
Vieillir est une déchirure...

Lavandes et romarins
Ironie du sort..un nouvel ami est entré dans ma vie. Jeune comme il se doit. La jeunesse me poursuit alors que mon temps s'enfuit. Que vais je dire ? Que vais je taire ? Que vais je faire ?


Ecrit à Bélesta le 12 août 2017

J'avais déjà abordé dans ce blog le thème de la vieillesse largement inspiré de ma mère (clic)




4 commentaires:

  1. Une belle réflexion sur la vieillesse ! Tant que tu continues à rêver et à avoir des projets tout va bien. Tu es plus forte que les douleurs et tu as toujours l'envie d'avancer c'est l'essentiel ! Beaucoup de jeunes n'ont pas ta vitalité. Tu vas comme une jeune dans la tête ! Bises des jeunes Dinosaures....

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    1. Ces saletés de douleurs qui cette année me font perdre un temps fou, ce temps qui m'est compté. 6 "invalidations" en 8 mois , j'en chasse une avec force, une autre s'installe à la place. Je sais ce qu'elles me disent : "Tu vieillis, accepte" et moi, je n'accepte pas. Jeunes dinosaures vous faites comme moi et je vous admire car on ne vous donne pas votre âge tant s'en faut. Surprise de votre révélation (âge) en rando. Que ça dure pour nous...Bises

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  2. le pire dans la vieillesse c'est lorsque on abdique, quand tous les désirs, tous les plaisirs ont fui, c'est devenir un tube digestif sans émotion, vivre au rythme de l'assouvissement des besoins primaires;

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    1. Je ne veux pas atteindre cet état, je prendrai mes dispositions si je suis consciente. J'ai déjà l'arme fatale .

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