mercredi 23 août 2017

La douleur...

Préambule : ce texte a été écrit alors que la douleur avait déjà commencé son reflux, sinon je n'aurais pu l'écrire, concentrée que j'étais sur elle. Ecrit entre 3 h et 4 h du matin, les photos sont celles de mon décor à ce moment là.
3 h 30 du matin : ma table d'écriture

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La Douleur : une heure auparavant, on ne la connaît pas. Du moins celle là. Celle qui va entrer sans frapper à la porte de notre corps, s'installer, se lover et ne plus vouloir s'en aller. Insidieuse, sournoise et hypocrite, elle va choisir le lieu où on ne l'attend pas et on entre dans un autre monde, Terra Icognita dont l'exploration pourrait être  merveilleuse, fabuleuse, dont l'exploration vire au cauchemar. Mais donne une sacrée leçon de vie et d'humilité. Qui m'a beaucoup apporté.




Les  douleurs, on connaît, la vie nous en a octroyé de ces vilaines compagnes qu'on a toujours apprivoisées, toujours pourchassées. Des céphalées chroniques, des rhumatismes, lancinants, des violences, uniques, celles de l'enfantement, des invalidantes, éphémères courbatures d'efforts trop violents. Et tant d'autres, la liste est longue, l'âge venant. On les a accueillies par force, on les a chassées avec force.
Et puis, sans prévenir, en voilà une d'inconnue, mais pas la moindre. La Douleur N°1 de tous les classements: en force, en intensité,  en durée.
Point n'est de mots pour la classer.
Point n'est de maux pour la surpasser.
Point ne sont d'outils pour l'extirper.



Lumière tamisée avec la jolie écharpe d' Annie
Elle est arrivée sans crier gare à la veille du week end, cette inconnue qui soudain m'a habitée, m'a terrassée. Une douleur dans la hanche d'abord, après entorse et lumbago rondement soignés. La douleur de l'entorse, d'abord,  qui vrille la cheville et vous fait parcourir les dents serrées le boyau du canyon, tâche malaisée car on ne voit pas où on pose le pied. Le canyon devient puits de galérien, boyau de souffrance dont on peine à s'extraire. Quant à la route à parcourir pour rentrer chez soi, elle devient prolongement du canyon. D'insupportable, elle deviendra dérisoire quand l'autre, la vraie douleur sera là.
Bientôt c'est le lumbago qui la relaie, à près de 200 km de chez soi, cette souffrance-là, on la connaît. Elle fut notre compagne par le passé, elle revient parfois nous visiter, étau qui nous enserre. On en connaît les affres, on en connaît les désastres. Vingt minutes pour sortir du lit, se redresser enfin et se fracasser, évanouie, au sol. Faire quelques pas : le chaos, au dedans de soi, le chaos au dehors de soi. Le bon geste pensé, repensé avant que de l'accomplir, les petits pas appuyée sur un bâton, les escaliers, marche par marche.Jusqu'à l'ostéopathe qui dans un dernier cri vous en délivre.

Quiétude dans la nuit d'été

Mais celle là, la dernière, on vous l'eût contée, on me l'a contée, mon frère en fut la victime écartelée, celle là on ne peut l'imaginer.

Nina endormie
Tableau d' Armand Isalgué


Elle arrive, dans une hanche, digne rescapée du lumbago, digne précurseur peut être de l'hernie discale. Curieuse, elle tâte de la hanche qu'elle malmène au détriment de votre paix tout juste retrouvée et trace son chemin pas à pas dans la cuisse qu'elle durcit et malmène, gagnant en méchanceté, la faisant protester et crier. Enfin elle s'installe dans le genou qui lui va, l'enserre dans un étau et y fait son nid. Hébétée, on attend la suite. La fête peut alors commencer.

Mathurin

Rester au lit ? Oui mais dans quelle immobile posture ? Sortir du lit ? C'est se jeter dans l'abîme. Un pas en avant ? Oui mais comment ? Pensé et repensé, il vous arrache un cri sauvage, des larmes comme à un enfant....et le suivant....La canne sur laquelle vous vous appuyez plie et ploie. Vous haletez comme un chien fou, comme une parturiente. Avant que de vous effondrer, harassée au bout de quelques mètres. Lire, manger, dormir, écrire ? Même pas y songer...Vous allez chez le kiné ? Vous regardez avec effroi la rue à traverser, d'une traite, courbée, affalée, sous l'oeil des passants curieux, indifférents, agacés ou étonnés. La mobilité, vous l'avez, intacte, c'est rageant. La Douleur l'a dévorée. En larmes de souffrance et soulagement mêlés vous vous effondrez sur le comptoir du kiné atterré. Le verdict est sans appel : cruralgie. Le soin espéré ? Même pas la peine d'y songer. Chemin à l'envers...
Les "bessons" : Blizzard et Syrah

La Douleur, elle est physique, c'est une violence faite à votre corps et vous n'y pouvez rien changer. Ce corps que vous avez fait danser avec insolence sur les cimes, les crêtes, les sentiers, les parois rocheuses, les 3000 m, avec aisance, avec bonheur, endurance et légèreté, il ne vous appartient plus, il est tout entier à la douleur.
Ne jamais la perdre de vue 


Les arêtes, sommets, sentiers et falaises, les 3000 m ils sont en votre chambre, en votre lit, en vos escaliers. Ils n'iront pas plus loin que votre jardin. Ailleurs, c'est l' Everest, les 8000 sans oxygène. L'oxygène il vous manque, vous vous obligez à respirer calmement. La douleur crée l'apnée, la perte d'équilibre, la progression dans le brouillard et la tempête; ils sont en vous, autour de vous. Une posture vous va ? Vous y jetez l'ancre dans cette mer déchaînée. La Douleur est un sport à nul autre pareil. Elle vous glace, vous fait grelotter  aux 40° de l' été, elle vous fait voir décoloré un paysage flamboyant.

Bertille à sa toilette


Et puis il y a le reste! Qui s'ajoute . Les indifférents que vous avez aidés et qui vous lancent un regard narquois, à vous la forte, l'invincible, celle"qui sait tout faire et n'a besoin de personne".  Les attentifs, proches voisins ou plus lointains, navrés qui n'ont qu'un souhait vous aider et réchauffent votre coeur: leur sollicitude est infinie.
La solitude, infinie, celle que vous cultiviez vous fait voir soudain votre avenir comme un désert où vous allez vous perdre et mourir. Seule dans une vaste maison avec 7 chats : COMMENT ON FAIT ?
Il y a la main tendue du proche ami sur qui on peut compter, du frère qui sait ce que c'est et qui en est sorti ce qui fait briller d'espoir vos yeux mouillés.
Il y a les appels quotidiens ou plus de l' Amie fidèle et réconfortante, Colette, qui sait, qui l'a vécu et en pire. Je t'aime Colette.

Nina encore


Il y a les reproches maternels, coup de massue s'il en est. Mais comment ? On a besoin de vous et vous osez ?? Car la coulpe en est à vous et à vous seule d'avoir convié cet hôte malfaisant . On vous somme de vous remettre , et vite. Parce qu'avec vingt ans de plus on a la même chose (en pire) et donc vous n'avez pas respecté l'ordre ni le temps. Et en plus vous l'avez cherché avec vos activités et vos montagnes, votre inconséquence et votre égoïsme.

La nuit touche à sa fin
Le ronron des chats et celui de la machine à vendanger
plus loin dans les vignes
Tableau de Claude Gibrat


Il y a enfin, au bout de ce tunnel en feu les médicaments qui vous assomment, vous font confondre mots et phrases mais vont doucement à la rencontre de la souffrance et la font reculer, comme vous avez avancé, à petits pas hésitants.

Et vous laissent épuisée et ravie face à un chemin qui dépassera bientôt votre terrasse, votre jardin.


Le décor sortira bientôt de sa prison et la montagne me réouvrira ses bras
Port Vendres emprisonné dans un verre de vin blanc


Post Sriptum :

Je dédie ce billet à tous ceux qui souffrent très fort, au monde desquels j'ai brièvement abordé (douleur, handicap, souffrances morales) mais qui m'a donné une sacrée leçon de vie , d'humilité et une incommensurable terreur. A redonner au temps une dimension que je ne lui connaissais pas.
Ce billet est juste destiné à exorciser tout cela, pas me mettre en valeur . Mais je sais et même si je le dis souvent, cette fois j'y ai touché : tout peut basculer en un instant.



15 commentaires:

  1. Merci Amédine pour cette leçon, je m'en souviendrai. Je suis assaillie quotidiennement par de petites douleurs et parfois je désespère... Mais finalement ce n'est rien, on fait avec... Il y a pire... Alors profitons du moment. Prends soin de toi, bises.

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    1. Pierre chaque douleur est unique du moment qu'elle te prend et qu'elle t'invalide; il y a petites et grandes, brèves ou de longue haleine mais quand elles sont sur toi c'est du 100% auquel tu es confronté et j'ai pensé aussi à toi en écrivant ce texte parce que j'ai pensé que tu t'y reconnaîtrais et l'avais éprouvée ou l'éprouvais. Des douleurs plus légères mais perpétuelles sont pires à mon avis. je t'embrasse

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    2. En fait, mes petites douleurs, ce n'est rien, je n'y pense même pas. Mais ma douleur est morale, la personne que je chéris le plus, est en arrêt-maladie pour un an... ma fille et j'y pense tout le temps...

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    3. Tu m'en as parlé et ces douleurs là, la médecine n'y suffit pas.mais au moins ta fille est aimée...Moi mon père m'aimait aussi

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  2. Comme j'ai souffert avec toi.jai connu pas celle que tu décris mais d'autres et c'est vrai que nous sommes vraiment affaibli à hésiter au moindres pas et à calculer à faire attention à tout .C'est un long et éprouvant parcours .la santé est un bien précieux mais quzlfois on a enduré ces douleurs infernales.jai été heureuse que l'écharpe te soit utile. Une couleur douce et tamisée. .comme tu as l'écriture facile et les bons mots continue bien et à bientôt de se revoir avec plaisir en forme bisous et caresses à tes félins qui t'ont tous réconforté...pensons bien à toi.

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    1. Merci Annie et puis ton écharpe protégée quand même de l'ardeur de la lampe m'a fait une jolie présence amicale et colorée, comme toi. Bisous

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    2. Tu es sympa merci cela me va droit au coeur ...remets toi vite.

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    3. cela va doucement à mon goût...mais on s'habitue à vivre différemment

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    4. Oui c'est çà. Après mon opération du cancer j ai vécu differement les balades finies pour un temps .j ai eu la chance d'avoir Guy aussi. C'était moins pénible. Il faut surtout garder le moral bisous

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  3. Tu as du énormément souffrir pour écrire un si beau texte. C'est vrai qu'il faut profiter de l'instant présent car tout peut basculer très rapidement. Tu vas te remettre petit à petit et tout va rentrer dans l'ordre, ton expérience de la douleur t'aura enrichie. J'espère que tu souffres de moins en moins.
    Je t'embrasse fort Amédine, câlins à tes chats qui te sont d'un grand réconfort.

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    1. cela va mieux, j'ai toujours eu un don assez précieux, celui de récupérer très vite . Une chance inestimable. Aujourd'hui j'étais assez autonome. Peut être trop c'est mon plus gros problème; ce soir ça ronge sec! Bisous

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  4. Amédine C est vrai on s en passerait Bien de tout ça cependant Vous Nous offrez encore Un Très Beau Récit même si Nous préférons Nous Balader dans Nos Belles Montagnes Les expériences malheureuses sont souvent Celles qui Nous apportent Le Plus de Compassion Soignez Vous Bien Amédine Bisous à Vous Huit :)

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    1. On se re baladera, faut juste prendre le temps de pouvoir y arriver mais que cela ne soit pas dans trop longtemps car je perdrai tout mon entraînement. je prends mon mal en patience grâce à la douleur heureusement fort atténuée mais bien trop invalidante encore. Bisous de 8

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  5. On ne se rend pas compte de la chance que l'on a quand tout va bien, mais lorsque la douleur survient, on ne comprend pas ce qui nous arrive. Repose toi, Amédine, et prends ton mal en patience, il n'y a que cela à faire. La douleur disparaîtra, et tu pourras à nouveau aller gravir les sommets des plus hautes et belles montagnes. Je te fais confiance (sourire). Je t'embrasse, ma belle.

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  6. CC... La douleur, on apprend à vivre, que dis-je à survivre avec... mais, que c'est difficile !!!
    La santé, c'est quand on l'a perdu que l'on comprend que c'est ce que nous avons de plus précieux !!!
    Lentement, mais sûrement, bon rétablissement
    BISOUS, CÂLINS

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