mercredi 6 août 2014

Monsieur et le téléphone





C’était un jour de printemps, au bord d’un étang.



Le ciel était d’un bleu brillant, l’étang aussi, par mimétisme assurément.
Ce jour là, j’étais au restaurant.
La terrasse était déserte, pas encore de saison.




Par contre, sous la véranda, un peu de vie racontait que le printemps s'éveillait.

Derrière la baie vitrée, l’étang scintillait bleu vif, et le soleil s’amusait à s’y baigner.

Un couple avait pris place contre la baie vitrée, âgé, guindé, un peu emprunté.


Moi, seule, comme à l’ordinaire, j’avais tout loisir pour observer. Entendre, voire écouter.
Un couple, la soixantaine pétillante, entra, me salua et s’installa entre le couple guindé et moi.
Monsieur me sourit discrètement et me salua plus ostensiblement.
Rien que de très banal.

Un temps s’écoula, et on leur servit le premier plat.
A ce moment, le téléphone de Monsieur sonna.
Il répondit et s’éternisa.
Je suivais la conversation, non par intérêt mais par inévitabilité.
Une femme l’appelait et…la sienne s’impatientait.
Quelques longs instants plus tard, la communication fut coupée. Banal.
Mais l’interlocutrice ne lâcha pas prise et rappela.
Alors la scène s’anima.


Les convives du bord de la véranda, tout comme moi, ne pouvaient pas louper cela.





Ils interrompirent leur conversation mais  non leur repas.
Moi, je n’interrompis rien, forcément.
Mais Madame interrompit son repas.
Et commença à darder sur Monsieur des regards réprobateurs puis, vite, excédés.
Monsieur, aussi indifférent que s’il eut été au volant, discutait comme s’il eut été en son salon, en son jardin, oui, à son volant.
Enfin la conversation s’arrêta.
Madame avait mangé, Monsieur allait manger froid.
Froidement Madame explosa : «  Si tu recommences, je prends mon plat et m’en vais manger dehors ! ». puis se ravisant, peut être au souvenir de certaine publicité, elle asséna, implacable : «  Si tu recommences, je prends le téléphone, lui fais traverser la véranda et gicler directement dans l’étang ! ».


Il y avait tant de détermination et de froideur dans sa voix et dans son regard que Monsieur manipula son appareil, le neutralisant certainement, l’enfouit au fond de sa poche comme un wagonnet au fond de la mine, prit une mine penaude et cependant muette…Comme le devint miraculeusement son outil.
Le vieux couple guindé au bord de la véranda lança un regard effrayé : pensez donc ! Le téléphone eut traversé leur couple, leur table, leur repas, la vitre et une multitude d’éclats de verre eut étoilé leur déjeuner…
 
Lorsqu’ils se levèrent pour quitter la salle, à la fin de leur repas, je surpris le regard soulagé du vieux couple, en même temps que le regard de connivence de la vieille dame, étoffé d’un sourire…oh ! cette histoire somme toute banale, TRES banale, devait lui évoquer bien des souvenirs…






                                                          














8 commentaires:

  1. ah oui, j'aime bien le sourire de la vieille dame

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    1. Soulagée que son repas se termine sans problème, mais aussi amusée car ce fait est si banal...

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  2. Le téléphone s'invite partout. Les gens ne sont même plus attentifs à la personne qu'ils ont devant eux "en vrai". Ils vérifient sans arrêt s'il y a un message, ils pianotent, ils répondent. Je trouve ça très pénible. Mais dès fois... je fais pareil ;-)
    Bisous.

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    1. Exaspérant ! Je veille soigneusement à éviter cela car cela m'exaspère trop chez les autres. mais je suis peu sollicitée au portable, je n'ai guère de mal. Bises

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  3. Histoire de sans gène qui pourrait être scandaleuse si cela c’était passait en 1980. Or, aujourd'hui, dans notre société qui cultive l’égoïsme et l'égocentrisme comme un art de vivre, c'est d'une banalité effrayante. Dans un train, on suit de force la conversation d'un tel ou d'un autre, et ce, jusqu'au travail où vos collèges ne respectent pas le silence de celui qui travaille. Une histoire banale de la vie en 2014.

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    1. Tiens je viens juste de râler en suivant une femme au téléphone et au volant qui avait le mépris total de qui suivait. A t'elle seulement vu qu'elle était suivie et gênait?

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  4. Le téléphone a pris bien sûr une place indispensable auprès de certains de nos con-citoyens .... Mais grâce à cela, nous pouvons être témoins d'histoires drôles ! Pas pour la dame du monsieur bien sûr, mais quand même ... Pas gêné le mec !!! Je lui aurais fait bouffer moi son téléphone !!! (rire)
    Bisous

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    1. Au tout début de l'apparition du portable, j'allais souvent à midi manger dans un petit restau proche de mon travail. Tous les hommes plaçaient immédiatement leur portable à côté de leur assiette, les dames non. Cela me surprenait j'essayais de décoder pourquoi ? Signe social assurément...

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