Le ciel était d’un bleu
brillant, l’étang aussi, par mimétisme assurément.
Ce jour là, j’étais au
restaurant.
La terrasse était
déserte, pas encore de saison.
Par contre, sous la véranda, un peu de vie racontait que le printemps s'éveillait.
Derrière la baie
vitrée, l’étang scintillait bleu vif, et le soleil s’amusait à s’y baigner.
Un couple avait pris
place contre la baie vitrée, âgé, guindé, un peu emprunté.
Moi, seule, comme à
l’ordinaire, j’avais tout loisir pour observer. Entendre, voire écouter.
Un couple, la
soixantaine pétillante, entra, me salua et s’installa entre le couple guindé et
moi.
Monsieur me sourit
discrètement et me salua plus ostensiblement.
Rien que de très banal.
Un temps s’écoula, et
on leur servit le premier plat.
A ce moment, le
téléphone de Monsieur sonna.
Il répondit et
s’éternisa.
Je suivais la
conversation, non par intérêt mais par inévitabilité.
Une femme l’appelait
et…la sienne s’impatientait.
Quelques longs instants
plus tard, la communication fut coupée. Banal.
Mais l’interlocutrice
ne lâcha pas prise et rappela.
Alors la scène s’anima.
Les convives du bord de
la véranda, tout comme moi, ne pouvaient pas louper cela.
Ils interrompirent leur
conversation mais non leur repas.
Moi, je n’interrompis
rien, forcément.
Mais Madame interrompit
son repas.
Et commença à darder
sur Monsieur des regards réprobateurs puis, vite, excédés.
Monsieur, aussi
indifférent que s’il eut été au volant, discutait comme s’il eut été en son
salon, en son jardin, oui, à son volant.
Enfin la conversation
s’arrêta.
Madame avait mangé,
Monsieur allait manger froid.
Froidement Madame
explosa : « Si tu recommences, je prends mon plat et m’en vais
manger dehors ! ». puis se ravisant, peut être au souvenir de
certaine publicité, elle asséna, implacable : « Si tu recommences,
je prends le téléphone, lui fais traverser la véranda et gicler directement
dans l’étang ! ».
Il y avait tant de
détermination et de froideur dans sa voix et dans son regard que Monsieur
manipula son appareil, le neutralisant certainement, l’enfouit au fond de sa
poche comme un wagonnet au fond de la mine, prit une mine penaude et cependant
muette…Comme le devint miraculeusement son outil.
Le vieux couple guindé
au bord de la véranda lança un regard effrayé : pensez donc ! Le
téléphone eut traversé leur couple, leur table, leur repas, la vitre et
une multitude d’éclats de verre eut étoilé leur déjeuner…
Lorsqu’ils
se levèrent pour quitter la salle, à la fin de leur repas, je surpris le regard
soulagé du vieux couple, en même temps que le regard de connivence de la
vieille dame, étoffé d’un sourire…oh ! cette histoire somme toute banale,
TRES banale, devait lui évoquer bien des souvenirs…
ah oui, j'aime bien le sourire de la vieille dame
RépondreSupprimerSoulagée que son repas se termine sans problème, mais aussi amusée car ce fait est si banal...
SupprimerLe téléphone s'invite partout. Les gens ne sont même plus attentifs à la personne qu'ils ont devant eux "en vrai". Ils vérifient sans arrêt s'il y a un message, ils pianotent, ils répondent. Je trouve ça très pénible. Mais dès fois... je fais pareil ;-)
RépondreSupprimerBisous.
Exaspérant ! Je veille soigneusement à éviter cela car cela m'exaspère trop chez les autres. mais je suis peu sollicitée au portable, je n'ai guère de mal. Bises
SupprimerHistoire de sans gène qui pourrait être scandaleuse si cela c’était passait en 1980. Or, aujourd'hui, dans notre société qui cultive l’égoïsme et l'égocentrisme comme un art de vivre, c'est d'une banalité effrayante. Dans un train, on suit de force la conversation d'un tel ou d'un autre, et ce, jusqu'au travail où vos collèges ne respectent pas le silence de celui qui travaille. Une histoire banale de la vie en 2014.
RépondreSupprimerTiens je viens juste de râler en suivant une femme au téléphone et au volant qui avait le mépris total de qui suivait. A t'elle seulement vu qu'elle était suivie et gênait?
SupprimerLe téléphone a pris bien sûr une place indispensable auprès de certains de nos con-citoyens .... Mais grâce à cela, nous pouvons être témoins d'histoires drôles ! Pas pour la dame du monsieur bien sûr, mais quand même ... Pas gêné le mec !!! Je lui aurais fait bouffer moi son téléphone !!! (rire)
RépondreSupprimerBisous
Au tout début de l'apparition du portable, j'allais souvent à midi manger dans un petit restau proche de mon travail. Tous les hommes plaçaient immédiatement leur portable à côté de leur assiette, les dames non. Cela me surprenait j'essayais de décoder pourquoi ? Signe social assurément...
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