C'est une vieille tasse ébréchée, de loin ma préférée.
Chaque matin, j'y bois mon premier café de la journée, en contemplant le jardin.
Cette vieille tasse marquée par les rides d'un long chemin a eu deux vies.
Elle achève doucement sa seconde vie chez moi....
C'est Geneviève qui me l'a offerte, une vieille dame, mon amie.
Geneviève, du temps de sa jeunesse, était une femme des champs.
Albert et elle avaient reçu en cadeau de mariage "un déjeuner", en cette lointaine époque où les cadeaux de mariage étaient spontanés, de bon ton ou de mauvais aloi. Mais avec le cadeau, c'était un peu de la personne qui l'offrait qu'on recevait .
Son goût, son attention, son intention, sa chaleur, voire son ostentation ou son humilité.
Ces cadeaux ne provenaient pas d'une liste et ne partaient ni chez Emmaüs, ni à un quelconque vide grenier ni sur "le bon coin". Tout au plus restaient ils enfouis au fond d'une armoire, pour cause d'inutilité ou de triple emploi.
Cette tasse était accompagnée dans sa première vie.
Oui, par Albert et Geneviève.
Mais également par une tasse jumelle, deux sous tasses, un petit pot à lait, une verseuse pour le café et un sucrier nanti de son couvercle. Un très joli ensemble.
Que Geneviève eut voulu utiliser le matin au petit déjeuner.
Ce que refusa Albert.
En homme des champs, il buvait son café dans un grand bol de faïence blanche quadrillée de bleu.
Geneviève utilisait un bol plus petit, ou un verre, à la façon des gens de la terre.
Alors, ce beau "déjeuner", Albert ne lui trouva jamais sa place sur la table nappée de toile cirée.
Geneviève aima de suite ce service.
Elle le vit partir petit à petit, au cours d'une vie où elle vit aussi partir grand nombre de ceux qu'elle aimait.
Il ne resta plus, un jour, que cette tasse esseulée, qu'enfin elle s'autorisait à utiliser.
Ternie, ridée, fissurée, craquelée.
comme l'était sa vie, à elle.
Une tasse solitaire, comme elle.
J'allais parfois chez Geneviève boire un café.
Et j'aimais cette tasse solitaire dont je connaissais l'histoire.
Geneviève l'avait posée sur son beau buffet ciré, sur un napperon en dentelle.
Comme pour contempler le reste de ses jours à venir...
Alors, un jour, Geneviève me l'offrit.
"Quand je serai partie, me dit elle, si elle me survit, elle sera jetée".
Depuis, dans la tasse de faïence de Geneviève, chaque matin, je bois mon premier café
en contemplant mon jardin....
c'est une histoire très touchante et très belle à lire
RépondreSupprimerbisous
Laurence
Juste sur un objet banal; il faut souvent se pencher sur les petites choses banales de la vie. cela donne un second souffle, "un bol d'air", on relativise plein de choses. Ce sont des petits riens dont est pleine la vie. Bisous
SupprimerUne bien belle histoire, un "héritage" comme nous en avons tous mais ne savons pas toujours les apprécier comme toi...
RépondreSupprimerIl me semble avoir vu la "sœur" de cette tasse, mais dans les bleus, chez ma grand-mère paternelle, quand j'étais petite...
Bisous, Lison, bonne journée... de travail !
J'aime ces objets du passé qui ont une mémoire; il faut juste l'exhumer...ou l'imaginer! Bisous. J'ai travaillé 2h en réfléchissant à ton article sur "la mode".
SupprimerTe rends tu compte la matière que tu m'as fournie ? (mdr, lol, :-))) Bisous
quelle belle histoire , cette tasse a dû en voir des choses , en vivre des époques, ça me rappelle la vaisselle de mamie Yvonne qui venait déjà de ses parents et qui avait une histoire, je me souvient d'un verre banal au premier abord , mais qu'il ne fallait surtout pas toucher , il était destinait à une seule et unique personne.
RépondreSupprimerCette personne chiquait du tabac ce qui écoeuré fortement mamie !!! du coup ce verre était bien caché au fond du placard et ne servait qu'occasionnellement...
Ensuite il y avait deux gros déjeuner que j'ai gardé d'ailleurs qui était pour un couple qui venait souvent "aspartiner" chez mamie. Que de souvenirs..... comme j'aimerai pouvoir revenir en arrière ..... le temps passe si vite......Bise bravo cette tasse est magnifique et elle reflète un doux passé .... Pascale
Pascale ! tu en as des souvenirs de mamie Yvonne; c'est amusant ton histoire. Tu devrais bloguer aussi, avec toute ta sensibilité. et tous ces souvenirs de ton enfance...allez pas si loin !
SupprimerSais tu que Peluche m'a fait un cadeau ? J'ai trouvé un gros rat mort dans le jardin : sûr que c'était pour moi. Bisous
Une tasse avec beaucoup d'histoire ....et elle est belle avec cette couleur!
RépondreSupprimerEt comme toi j'adore la brocante!!!!!
Passe une bonne journée chère Lison!
Je t' embrasse!
J'aime beaucoup raconter des histoires. Je n'ai pas de petits enfants alors j'en raconte à qui veut bien écouter ou lire. Bises Géli
SupprimerComme cette histoire est touchante ... Ce billet est magnifique et j'ai les larmes qui me montent aux yeux ...
RépondreSupprimerJ'aime ces objets qui sont chargés d'histoires, de l’histoire des personnes qui les ont possédé et côtoyé le long d'une vie ...
Il est vrai que notre société de consommation a totalement mis de côté cette intimité que l'on peut avoir avec certains objets, enlevant tout poésie et personnalité au quotidien, mais aussi tout souvenir ...
Mille merci Lison pour ce beau moment, très très touchant ...
Amitiés du Sud ;)
mais oui, Sylvie, ce sont les choses simples de la vie qui font rêver et vibrer.
SupprimerLes contes de princesse c'est quand on est toutes petites. Bisous
Une histoire très touchante ! Savoir donner de l'intérêt aux petites choses , connaitre leur parcours et le regard est tout autre.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup tes réflexions sur les cadeaux de mariages. Hélas! les valeurs de la vie ne sont plus les mêmes .
Douce soirée, bises Lison
Cela me fait mal quand je vois qu'on se débarrasse des cadeaux au lendemain de Noël. Je n'aime pas les cadeaux, ni en recevoir ni en faire, mais c'est au moins sincère. Bises Erato
SupprimerMoi non plus, je n'aime pas cette façon de se débarrasser des cadeaux, car dans le cadeau, même s'il ne plaît que moyennement, il y a tout l'amour, toute l'affection de la personne qui l'offre, et c'est cela, avant tout, le plus important.
SupprimerUne bien belle histoire, Lison, et je comprends que tu sois attachée à cette tasse ébréchée et que tu aies eu envie de nous en parler. Oui, certains objets, certains meubles, ont toute une histoire, toute une vie. Geneviève a eu raison de te la donner, car elle savait que tu la garderais bien précieusement.
RépondreSupprimerBonne fin de journée à toi, Lison, et merci pour ce partage.
Quelle belle histoire et surtout si bien racontée. On imagine la vie de Geneviève, même d'Albert, l'homme de la terre. Et cette tasse, objet anonyme et insignifiant, qui ne l'est plus vraiment. Grâce à vous, elle a, dans ce billet, son heure de gloire. Et puis c'est tellement beau quand vous écrivez : "chaque matin, je bois mon premier café en contemplant mon jardin..."
RépondreSupprimerChère visiteuse de mon blog, quel plaisir ce furt d'aller visiter le vôtre, à la Bahutière : du charme, de la poésie, du piquant, un brin d'humour, de la créativité et des lectures que j'ai faites aussi (bien sûr, j'étais Claude ! ). Toutes mes amitiés
SupprimerUn beau texte sur une tasse esseulée mais qui raconte la vie de ceux qui ont été possesseur ! Quel beau cadeau ... Le café là dedans doit avoir une saveur particulière ! Comme moi une vieille pendule siège sur ma cheminée ! La vieille pendule qui siègeait sur la cheminée de la chambre de mes parents au temps du bonheur d'être ensemble ... La mort a décidé de les séparer très jeunes ... Resté seul mon père me l'a offert ! Elle ne sonnait plus les heures de la vie depuis longtemps mais je la trouvais belle ! Le jour de la mort de mon père elle s'est mise à sonner ! J'ai toujours pensé que mon père m'avait , ce jour, fait un clin d'oeil ! Depuis elle ne sonne plus ! Merci pour ce texte Lison ... il m'a rappelé ce souvenir ! Bisous
RépondreSupprimerquelle belle histoire, cette tasse ! ça me donne des idées, faire parler nos objets, ceux auxquels on tient ! merci.
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