vendredi 7 mars 2025

Je la regarde, elle lit Tesson

 Elle est assise dans un café de cette petite ville de province. Dehors le ciel est gris, tantôt blanc, tantôt noir. Il pleut, tantôt bruine, tantôt averse. Parfois rien. Alors cela ressemble à un pâle soleil.


Je la regarde, elle lit.

Elle lit "Blanc" de Sylvain Tesson; devant elle, un verre de vin blanc oublie d'être vidé.

Parce que lire Tesson c'est être emporté par une cavalcade de mots, une avalanche de phrases où rien n'est inutile, ni un mot, ni un signe de ponctuation; on lit à perdre haleine, le souffle coupé par la vitesse, le coeur emporté par le souffle de l'avalanche.

On oublie de boire, on oublie de respirer, les mots sont des uppercuts, fussent ils sur les chemins noirs, fussent ils sur les coulées blanches. Fussent ils sur les parois de verre des immeubles qu'il escalada, les steppes blanches de Sibérie, les déserts blonds de Mongolie qu'il parcourut.

Tesson c'est des éclats coupants comme du verre, colorés comme  des céramiques, polis comme des miroirs.

Elle feuillette le livre où tout est blanc, hormis les mots, elle glisse de page en page au rythme des skis de Tesson et de Du Lac sur les crêtes alpines. Sur la neige blanche.

Elle porte une tunique colorée sur fond noir, des tons allant du vermillon au bordeaux, en lisant "Blanc".

Ses cheveux blondis que l'humidité ambiante fait mousser encadrent un visage attentif aux mots, étranger aux paroles des clients, qui parlent, parlent, parlent, en une musique allant de l'aigu au grave. Elle referme le livre au "troisième jour" de cette marche blanche initiatique et redescend dans la salle du Café de la Paix, sereine, feutrée, face au Tribunal, une salle qui sans doute a épongé bien des déconvenues, bien des peines, bien des joies, venues de la rive opposée.

Elle prend son verre, le regard un peu perdu, elle le vide, comme en un songe , prend son cahier et écrit.

Elle redescend sur terre, je la regarde revenir peu à peu ici.

 Je me rapproche d'elle, je la rejoins, nous ne faisons plus qu'une car Elle, c'est Moi...

5 commentaires:

  1. Si bien dit Amédine, au coeur de Tesson, au coeur des murets et des cabanes de pierre, ancrée au plus profond de la terre de nos anciens !

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    1. Merci, comme c'est joli ! Et oui je m'émerveille devant des rocs, devant des mots aussi, tout a un parfum d'éternité au long de mon petit passage sur terre

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  2. Du même Tesson inspirant : "L'énergie vagabonde, c'est la traversée de l'éphémère, perpétuellement renouvelé. L'énergie vagabonde consiste à faire moisson d'idées dans les collines inspirées. Un jour, les notes deviennent un livre !" Chez toi, en l'occurrence, cette "énergie vagabonde" colorie les notes de tes blogs pour notre plus grand plaisir de lecteurs ! 😉 P.D.S.

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    1. Merci, merci, c'est vrai. Un jour quelqu'un (un collègue de travail) m'a dit "on dirait que tu repeins tes photos"; c'était un ariégeois. Toi tu me dis en quelque sorte que je repeins les mots. C'est amusant...Bises

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