lundi 14 mars 2022

Villefranche - 66- Chemin d'eau pas comme les autres

 Petit matin, un jour se lève, gris bleu, soleil brumeux,  au "Faubourg" de Villefranche.. Il caresse du bout de ses rayons Fort Libéria sur son perchoir ainsi que cette dent calcaire percée de grottes comme autant de noires caries. Un vrai chicot ! 





Echouée sur ce parking aussi minuscule que surpeuplé, je me suis coincée entre une poubelle - eh bé quoi ?- et une "route barrée", juste un passage muletier pour mule bâtée...Les Villefranchois ont le sens de l'humour.

Et encore, barré à 300 m: y a de la marge.

Café bu, toilette faite, doigts gelés, je pars pour une mise en jambes de 300 m. Barré ? ça me plait.

C'est un joli sentier coincé entre haut mur à gauche et Têt aux pieds gelés à droite. Elle bouillonne, il se tait. Elle bouge, il a bougé, une partie s'est effondrée mais les hommes l'ont policée.


C'est un petit canal coulant le long d'une paisible rivière

C'est qu'au pied du mur coule un canal vide. Coulait, a coulé, coulera, ne coule pas. S'est même écroulé.


Il ricane : même mort je tiens bon et je tiens le mur


Ce mur est un paysage. Blond, haut, percé de passages enfouis dans les racines car inusités, surmonté de portes donnant sur des jardins à l'étage au dessus, oui, le canal est au sous sol des jardins mais en surplomb de la rivière. Comment arrose t'on des jardins quand on coule plusieurs mètres en dessous ? Et bien c'est qu'on n'est pas destiné à les arroser mais à arroser ceux qui sont au dessous, entre mon chemin muletier et la Têt.


ouvert../..muré


Que ceux d'en haut se débrouillent .

Les jardins je les devine, ils ne sont pas, ils furent. Aussi bien ceux d'en haut que ceux d'en bas.

Moi je fuis tranquillement en observant et en attendant.

Tiens voilà un étrange escalier en pyramide, d'un côté je monte, de l'autre je descends, ou l'inverse, en haut je me débine dans un passage. Bon je me débinerai au retour.


Amusant




Les 300 m semblent à rallonge mais voient le bout, le canal vire sec à gauche; traverse sous la voie ferrée, pour moi il y a un portillon mais un petit chemin plonge vers le ras d'eau. ça m'intéresse mieux.






Et là, alors là !!

La rivière bondit après ses reflets mouillés. Elle court vers le vieux pont St Pierre. Elle vient de loin, des hauteurs glacées des Bouillouses.

Mais elle a fait du boulot sur son trajet. Là n'est pas le propos. 




Ici elle lèche les remparts encore ombrés et dorés par les lumières de la nuit, de l'autre côté, à travers les arbres nus.



Je jette un regard distrait, ce qui distrait mon regard, c'est une prise d'eau (resclosa) d'un nouveau canal qui file au ras de l'eau, suit la rivière, passe sous le pont et s'en va. Allait il jadis à l'ancienne usine ? Là je le vois retomber dans la rivière après le pont.

La nouvelle resclosa














Bon, vu l'état de mes muscles et articulations après la rando d'hier, restons sur le sol ferme. En voilà des jolies fleurs, ce sont des jacinthes d'eau au parfum démoniaque de suavité.


L'ancienne resclosa



Un peu en amont se trouve l'ancienne rasclose de ce canal. Elle est abandonnée mais originale, coincée entre des rochers étonnants : côté aval ils sont d'un gris terne et affligeant, mais côté eau, basses ou hautes eaux, des millénaires de fluctuations, c'est un beau marbre de Villefranche, rose, corail ou saumon, poli, lissé, la nature a bien fourbi ses outils. Je caresse, je lisse, je photographie.




Au centre la roche brute, gauche et droite, polie par l'eau.
Coeur de marbre


Personne ne me voit dans mon monde enchanté qui frôle la couleur bonbon. Des tapis de mousse inviteraient à la baignade mais pour cela on repassera la saison prochaine.

L'avenir m'appelle et il est en haut, le long du mur du canal.

Chemin à l'envers. A ma droite le mur, colonisé par des arbres, des racines, ouverts de passages murés ou encombrés : je veux l'escalier tarabiscoté. Je monte par le côté le plus facile, petit vertige quand même  sans balustrade.  En haut, un bâti métallique évoque une chute de canalisation, tout est sous le signe de l'eau, ici.

Pas commodes. Une vingtaine


En haut de l'escalier, un mince couloir m'attend, étroit passage humain, entre des jardins désaffectés.

Des jardins clos de chaque côté, en friche, enclos, verrouillés, Quasi invisibles derrière leurs barricades de planches. On dirait que les jardins aussi ont été "emmuraillés" comme la ville.

Je redescends, l'autre escalier est mal commode, délicat euphémisme.

Un peu plus loin je me glisse dans un de ces étroits corridors, celui ci n'est ni muré ni désaffecté. 


Je me glisse dans un couloir (escalier photo gauche)
et dans ce couloir se trouve un canal de jonction entre celui du bas et celui de l'étage au dessus


C'est un passage étroit entre les murs de soutien des jardins et j'ai la surprise d'y rencontrer un petit canal qui provient de l'étage au-dessus. Ils avaient aussi leur arrosage.


Etage au dessus, jardins clos et canal vide

Il existe encore des jardins cultivés

 En fait ici, tout est simple : dans la bande étroite de terrain entre montagne et rivière, 160 m, tout s'étage en bandes étroites. En ordre descendant depuis le pied de la montagne,  on trouve d'anciennes terrasses, un canal, des jardins, la piste, la voie ferrée, un canal, des jardins, un canal, d'anciens jardins et la rivière. Ouf ! la liste est longue...sur 160 m seulement ? En montagne l'occupation de l'espace est une oeuvre d'art ou de mathématicien.

Géoportail



Même chose ou presque

Un chat me regarde depuis l'étage de l'immeuble, on se sourit, ce sera la seule présence "humaine" de la journée mais je ne le sais pas encore.

Je suis fin prête pour ma randonnée.

La vraie. Du côté d' En Bulla (contée sur les balades de lison)





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