C'est une vieille photo, elle a un quart de siècle, je l'ai retrouvée dans ma photothèque, logée dans un album que je n'avais pas ouvert depuis...depuis peut être un quart de siècle.
Cette photo représente une jeune femme que j'ai bien connue autrefois.
Sur cette photo, la jeune femme pose pour le photographe; elle se tient dans une rue, devant un mur, le décor est minimaliste et laisse toute sa place au personnage. Elle est debout, c'est l'été, elle porte une jupe noire un peu courte -elle est jeune et mince-, un chemisier fleuri à manches courtes, très gai, très coloré, printanier. Un sac en bandoulière, des chaussures à lanières, pas de bijoux, une grande simplicité. Sa peau est brune et bronzée, ce qui me conforte dans l'idée que c'est l'été. Il n'y a rien que de très simple et ordinaire dans cette photo, on pourrait peut être n'y prêter aucune attention .
Si ce n'était le visage. Ce visage, somme toute assez ordinaire, dégage une grande tristesse. Un visage étroit et triangulaire, encadré d'une masse de cheveux noirs, une frange qui dévore le front et deux grands yeux sombres, atones, inexpressifs, un visage sans regard, un visage sans sourire. Ce regard retient l'attention car il ne regarde...rien. Ni l'objectif, ni le photographe, ni le décor, un regard fermé, sans vie, oui c'est cela un visage sans regard. Ou un regard tourné en dedans, dans un monde qu'on ignore.
Ce qui lui confère une incommensurable tristesse.
Car la jeune femme est triste, je m'en souviens à présent, de cette tristesse aux confins du désespoir.
Désespoir chagrin mais aussi désespoir sans espoir. Les deux sens du mot.
Non je ne montrerai pas cette photo, je la garde précieusement et je la repose dans son album, je la rends à son sommeil d'un quart de siècle. Pour plus longtemps encore sûrement.
La jeune femme n'est plus de ce monde voici longtemps. Elle est partie en silence, sans se retourner, sans regrets je pense, terrassée par la violence dans laquelle elle baignait.
Non pas la violence physique, celle qui laisse des bleus au corps et au coeur, celle qui laisse des traces visibles et tangibles. Mais par celle discrète, savante et assassine des mots qui font mal, qui cognent et détruisent, qui lapident dans le silence de l'intimité, qu'on ne peut deviner, qu'on ne peut dénoncer, celle des mots savamment décochés, cruellement assénés, qui laissent le corps intact et le coeur en vrac, qui colorent de bleu jusqu'au plus profond de l'âme.
Elle a tiré sa révérence, un jour, impuissante à trouver juste quelques mots, les mots pour le dire...
Un véritable talent d'écriture. Merci Amédine.
RépondreSupprimerDu ressenti, tout simplement même si ce n'st pas du vécu, disons un sujet sensible ...
Supprimerj'éprouve une si grande tristesse à cette lecture, et je sais la cruauté des mots, la difficulté à exister et curieusement il me vient à l'esprit comme une rengaine: "ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux, regardez les s'envoler..."
RépondreSupprimermarrant, cet air tourne parfois dans ma tête et cette chanson est belle
SupprimerUn beau texte qui rend hommage à toutes personnes martyrisées, hommes ou femmes, en gestes ou en paroles.les photos qui l'accompagnent le font bien, après la première surprise, je les ai associé avec " à trop tirer sur la corde elle se rompt, la corde sensible, être pris dans ses filets" et même pire! Merci Amédine
RépondreSupprimerOui hommes aussi, j'en suis bien consciente , surtout au niveau de la violence psychologique. Les femmes aussi savent distiller le venin. Ce venin n'a pas de sexe finalement...
SupprimerMERCI pour ce partage tout en émotions !!!
RépondreSupprimerBISOUS
Et oui, c'est un sujet qui me touche plus que tout autre, c'est comme ça. On a tous des points sensibles. Le vécu ou les lectures ou les faits divers...
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