dimanche 7 juillet 2013

L'heure d'avant le jour...


 Avant propos.

Les textes que je publie dans ce blog sont extraits de mes carnets (clic).
Ils témoignent d’un vécu relatif à une période, à un instant, c’est pourquoi je mets la date. Pour certains, je ne suis plus dans le même état d'esprit.

Ceux qui sont trop personnels ne figureront pas dans ces pages.
Pour les autres, tel celui-ci, rien n’a trop changé…sauf la douleur.

J’ai écrit ce texte alors que la douleur de mon hernie discale me terrassait, accompagnée de celle du sciatique qui s’entendait à lui prêter main forte.

Je ne suis plus dans le temps de la douleur.


……………………………………………

Lundi 11 décembre 2006

  L'heure d'avant le jour



C’est celle que peuvent savourer les pensionnés, les rentiers, les vacanciers, les retraités dont je fais partie. 
Elle est unique, un don qu’accorde le jour pas encore levé à la nuit pas encore achevée. Ce matin, j’ai le grand bonheur de pouvoir en profiter car c’est l’insigne honneur que me fait ma douleur : elle a oublié de se réveiller.
Immobile, je profite de la trêve.
L’horloge du clocher sonne six heures. La comtoise de ma cuisine sonnera juste un peu plus tard ; fantaisiste, elle se plait à retarder le temps… Une fourrure douce vient se loger sur ma main, puis sous ma main. Elle est douce, tiède, épaisse, c’est celle de Basile le Birman.










Ensuite, tous savent que je suis éveillée. Alors, dans l’obscurité de la chambre et le silence de la nuit, des griffes grattent doucement, qui le lit, qui l’armoire. Je réagis au coup de griffe intempestif, celui qui sera ciblé par un impatient. 

A tour de rôle, une fourrure vient me saluer dans le noir, accompagnée d’un son furtif auquel je réponds dans une tonalité que je veux identique.

 La nuit se découpe encore au carreau  de la fenêtre. J’aimerais me lever, ouvrir la vitre, ma ré enfouir sous la couette, et respirer la nuit.
Je n’en fais rien, le charme de l’heure avant le jour serait rompu.
Mon esprit s’évade et replonge en apnée dans un sommeil fragile et incertain dont je  n’ai conscience que lorsque des images le peuplent, qui n’ont rien à voir avec l’heure d’avant le jour.
 Ma douleur continue à dormir. 
Des yeux tous noirs me fixent dans la semi obscurité. Ils attendent mon bon vouloir. Ces yeux ont la béance des estomacs qui leur succèdent. Le carreau se teinte de cette couleur indéfinissable dont on ne sait si c’est du bleu ou du gris, cette couleur de l’heure d’avant le jour. La surprise viendra plus tard..
La douleur s’éveille par ondes, par vagues. Elle ne me lâchera plus jusqu’au soir, quoi que je fasse.
Alors, j’allume la lampe, les yeux reprennent leur couleur : myosotis, lilas, pervenche, émeraude, les estomacs se font pressants, des lois s’imposent par le regard ; il y a une hiérarchie que je respecte dans la mesure où elle s’accompagne de non violence.
Enfin je prononce le mot magique : il met fin à ma quiétude, à mes rêveries, à ma torpeur, il sonne le glas de l’heure d’avant le jour, il excite des milliers de papilles, il met en mouvement des fourrures, : « Croquitos ?? ». On acquiesce des yeux, des oreilles, des moustaches et de la voix…
A peine plus tard, lorsque s’activent les mandibules, j’ouvre la croisée sur un ciel tout bleu, un jardin tout mouillé.



Alors une voix, celle de mon voisin, me dit : « Il faudrait peut être se lever un peu plus tôt, non ? ".


 Une voix qui donnerait presque mauvaise conscience au luxe suprême que la vie enfin m’accorde : savourer l’heure d’avant le jour…                                                                           
                                                               (08 h 37)   



(Photos de l'auteur : Lison )

4 commentaires:

  1. La douleur a donc fini par te laisser en paix, Lison, c'est tant mieux.
    J'imagine toutes ces petites boules de poils venant réclamer leurs "croquitos". Je vois bien comment ma minette est impatiente lorsque l'heure de son repas approche, et comme elle est câline à ce moment-là aussi. Ils savent bien y faire… (sourire).
    Tes photos sont très belles, particulièrement l'avant-dernière que j'aime beaucoup.
    Belle soirée à toi, Lison, et de gros bisous.

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  2. La douleur est bien moins vive et je l'ai apprivoisée. Mes boules de poils sont extraordinaires. Basile le Birman (faux birman) est mort, j'ai eu du chagrin pendant 2 ans puis Lison est arrivée...le jour de la St Basile! L'avant dernière photo je l'aime aussi. Quand j'écris sur l'ordi, j'aime bien insérer des photos qui personnalisent le texte. Bises, Françoise, bonne nuit

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  3. C'est très beau, le texte, les photos, mes chats et moi nous sommes sous le charme.
    Laurence Opale et SOnye

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    1. Merci à vous trois; je vous suis chaque matin avec cette petite chronique si sympa! Bonne journée à vous trois

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