lundi 19 mai 2014

La tasse ébréchée






C'est une vieille tasse ébréchée, de loin ma préférée.
Chaque matin, j'y bois mon premier café de la journée, en contemplant le jardin.
Cette vieille tasse marquée par les rides d'un long chemin a eu deux vies.
Elle achève doucement sa seconde vie chez moi....









C'est Geneviève qui me l'a offerte, une vieille dame, mon amie.
Geneviève, du temps de sa jeunesse, était une femme des champs.
Albert et elle avaient reçu en cadeau de mariage "un déjeuner", en cette lointaine époque où les cadeaux de mariage étaient spontanés, de bon ton ou de mauvais aloi. Mais avec le cadeau, c'était un peu de la personne qui l'offrait qu'on recevait .
Son goût, son attention, son intention, sa chaleur, voire son ostentation ou son humilité.
Ces cadeaux ne provenaient pas d'une liste et ne partaient ni chez Emmaüs, ni à un quelconque vide grenier ni sur "le bon coin". Tout au plus restaient ils enfouis au fond d'une armoire, pour cause d'inutilité ou de triple emploi.
Cette tasse était accompagnée dans sa première vie.
Oui, par Albert et Geneviève.
Mais également par une tasse jumelle, deux sous tasses, un petit pot à lait, une verseuse pour le café et un sucrier nanti de son couvercle. Un très joli ensemble.
Que Geneviève eut voulu utiliser le matin au petit déjeuner.
Ce que refusa Albert.
En homme des champs, il buvait son café dans un grand bol de faïence blanche quadrillée de bleu.
Geneviève utilisait un bol plus petit, ou un verre, à la façon des gens de la terre.
Alors, ce beau "déjeuner", Albert ne lui trouva jamais sa place sur la table nappée de toile cirée.




Geneviève aima de suite ce service.
Elle le vit partir petit à petit, au cours d'une vie où elle vit aussi partir grand nombre de ceux qu'elle aimait.

Il ne resta plus, un jour, que cette tasse esseulée, qu'enfin elle s'autorisait à utiliser.
Ternie, ridée, fissurée, craquelée.
comme l'était sa vie, à elle.
Une tasse solitaire, comme elle.



J'allais parfois chez Geneviève boire un café.
Et j'aimais cette tasse solitaire dont je connaissais l'histoire.
Geneviève l'avait posée sur son beau buffet ciré, sur un napperon en dentelle.
Comme pour contempler le reste de ses jours à venir...





Alors, un jour, Geneviève me l'offrit.
"Quand je serai partie, me dit elle, si elle me survit, elle sera jetée".


Depuis, dans la tasse de faïence de Geneviève, chaque matin, je bois mon premier café
en contemplant mon jardin....






dimanche 11 mai 2014

Lison la voyageuse

Quand j'ai débuté mon 1er blog, en mars 2013, j'ai présenté Lison, en 2 volets : je le lui devais bien puisque j'ai emprunté son pseudo.Cliquez ici (clic 1) et (clic 2)si vous voulez découvrir ces 2 billets.

Lison et moi, c'est une grande histoire, parce que je l'ai élevée.




A la plage



Cela est passé par le biberon, les soins d'hygiène (un bébé chat ne sait pas faire ses besoins tout seul), lui apprendre à se nourrir, à marcher en laisse, enfin l'éveiller à la vie.
Un chat a des instincts animaux indéniables : ce n'est pas moi qui lui ai appris à chasser, à grimper aux arbres.
Mais je lui ai appris à randonner à 3 mois à peine, à voyager, à ne pas craindre l'eau et à circuler sur mon vélo.
Elle était si petite que je l'ai emmenée partout avec moi puisqu'il fallait la nourrir. Donc elle m'a suivie  en tous lieux  et cela continue.


Même pas peur !

En rando

Le guetteur

Dent d' Orlu (09)  alt 2222 m



La neige ? Elle adore
Ici, en Andorre
Dans le Causse, à VTT

Je vais vous raconter "comment elle voyage ":

La veille du départ je lui dis une petite phrase, plusieurs fois; elle sait ce que cela signifie et elle attend donc le moment du départ. Elle ne va pas jusqu'à préparer son sac, tout de même.
Puis nous prenons la route avec le fourgon aménagé. Les autres ont aussi droit à un rituel, ainsi tout est cadré pour tous.
Si je pars en voiture, Lison sait que c'est à la journée et cela ne lui plait pas donc elle me répond "non!"; car elle a un cri bien particulier pour dire "non" et, qui plus est, elle y donne du sens.
Nous partons donc et elle est heureuse. Elle ronronne, me prend la main, me lèche le bras et en voyage elle a un pelage extraordinairement soyeux qu'elle n'a pas à la maison.
Elle partage ma vie : elle reconnait les lieux sur la route, le péage de la sortie si je reviens par l'autoroute, elle reconnaît les tunnels qui lui causaient tant de frayeur. Elle hurlait dans un tunnel nouveau mais au second passage le tunnel était reconnu. Elle émerge à quelques dizaines de km de la maison, au retour, monte sur le tableau de bord et inspecte les lieux qu'elle reconnait sans peine; quelle que soit la route empruntée.
Si je ne fermais pas la vitre, elle sauterait pour arriver plus vite.
Car elle est heureuse d'arriver autant que de partir.
Elle a marché en montagne, beaucoup, et de durs parcours, elle a visité des villages, des villes, est allée au bar, au restaurant : partout elle a fait sensation.
Restau en bord de mer

A VTT, elle grimpait dans sa panière où je l'attachais et on roulait : Canal du Midi, Causses etc...
Elle a à son actif des sommets, des lacs, des volcans d' Auvergne. Les calanques de Cassis.Et j'en passe.
Carlit (66) alt  2921 m



Quand elle a cessé de randonner pour cause de peur des gens -et oui- elle est devenue sauvage, mais adore crapahuter, elle reste dans le fourgon à m'attendre. Des heures durant 8 ou 9 heures : elle a sa litière, de l'eau, des croquettes et elle sait. Elle dort beaucoup et je la trouve super sereine quand j'arrive : contente de me voir quand même.
L'avantage d'un fourgon c'est qu'il y a de l'espace, et qu'elle peut se cacher à l'ombre.

Quand je conduis, elle est très sage, ne cherche pas à sauter si la vitre est ouverte. A l'arrêt pour les séquences photos, c'est une autre histoire...Je surveille. Et je ferme la vitre.
Car la demoiselle est curieuse et leste ! J'ai expérimenté !
Elle se tient souvent sur le siège à côté de moi, très proche car le fourgon a 3 places avant. Quand les virages sont rudes je lui dis "Lison, fais croché " (on a des mots spéciaux); alors elle étend ses pattes et se cramponne à mon siège. Elle comprend tout !


Lison se cramponne avec ses pattes à mon siège

Sinon, sa place favorite est le tableau de bord, vaste dans un fourgon.




L'été elle aime à se tenir sur une étagère derrière mon siège, qui sert de cartothèque car elle reçoit tout l'air par la vitre ouverte et est bien au frais.
Nous discutons beaucoup, je ne me sens jamais seule avec elle. Les longues soirées d'hiver, dans le fourgon, on a un petit chauffage. Elle aime se tenir sur le tableau de bord, son poste de vigie. Pour bien inspecter les lieux; et repérer des chats !
Ensuite elle se glisse dans la couette, contre moi. Si elle se lève pour guetter, elle revient un moment après, émet un petit "mrrrou" pour demander à entrer et c'est comme une serpillière mouillée et glacée qui se colle à moi. L'horreur !

Quand elle était bébé, à 4 h du mat, c'était biberon.
Elle a gardé cette habitude mais dans le fourgon uniquement.
Si je ne lui laisse pas une cuillerée de croquettes pour la nuit, elle vient contre mon oreille et fait un petit bruit de succion, comme lorsqu'elle était bébé et voulait téter.
Ce qu'elle ne fait pas à la maison où elle a un comportement totalement différent.
Elle y regarde de haut ses congénères, les ignore ou les méprise, il n'y a que son Grand Mathu (Mathurin) qu'elle adore.
Alors en voyage, quand j'amorce le retour, je lui récite une petite comptine où apparaît plusieurs fois "Grand Mathu" et elle sait qu'on rentre.

Elle surveille la route, à partir d'un certain lieu qu'elle identifie je ne sais comment car elle dort et puis s'éveille, se juche sur le tableau de bord : et toujours à pareille distance de la maison, quelle que soit la route. Si moi je n'ai pas de GPS, je crois qu'elle en a dévoré un !
En montagne, j'avais pu observer son sens inné de l'orientation: extraordinaire!
A l'arrivée c'est la liesse; elle retrouve Mathu et je crois qu'elle lui raconte...

Je n'ai pas eu de soucis de santé, en vadrouille. pour elle veux je dire. sauf une fois où elle a eu un abcès que j'ai soigné avec les moyens du bord.
Ce jour là, elle a été attaquée dans le fourgon, par un chat noir qui est entré à mon insu : moment difficile pour les séparer. Et lui, il était hors de lui. Quand j'ai connu son histoire, dernièrement, j'ai compris.
Ce chat avait été abandonné par un camping car, ou perdu.

Voilà ma douce vie en voyage avec Lison la voyageuse.
Depuis qu'elle est entrée dans ma vie le 2 mai 2009, on ne s'est séparées que 2 ou 3 nuits, suite à son refus de venir.
Et madame a boudé à mon retour....
J'allais oublier : elle a son passeport, pour nos virées en Espagne.
Mais je ne peux me résoudre à la tenir en cage en roulant ; et c'est un PV assuré !
Sauf si les gendarmes espagnols sont compréhensifs...cela m'est arrivé.
Cependant,  là bas, c'est moi qui deviens guetteur en conduisant. 
Et elle sait aussi se cacher ! Si elle veut...

De ses randonnées trop précoces, elle a gardé des pattes extrêmement développées, immensément longues. Presque disproportionnées.



Et un regard très vif, acéré.
Lison 6 mois